Dans la nuit du 10 au 11 août 1900, le contre-torpilleur français Framée heurte le cuirassé Brennus, navire amiral de l'escadre de Méditerranée, et sombre en quelques minutes près du cap Saint-Vincent, au sud du Portugal !
14 marins seulement sont secourus, 48 sont tués.
La classe Charles Martel est une classe de deux cuirassés à tourelle et barbette de la marine française prévue en construction en 1881-85, mais suspendue en 1886 au stade précoce de leur réalisation.
Le Charles Martel et le Brennus seront remis en chantier ultérieurement avec des modifications qui feront de chaque cuirassé un modèle unique.
Classe Framée, ici le Pique:
13 des survivants:
https://sourdaine.org/08_bren.htm :
Le 27 juillet 1897, à 18 ans, mon grand-père Christophe LANÇONNEUR s'engage pour cinq ans dans la marine. Particularité : il y exerce le métier de tailleur, celui de son père, de ses deux frères et de ses ancêtres depuis deux cents ans. Au final il fera 15 ans d'abord dans la Marine, puis dans la "Coloniale"...
Incorporé au Dépôt des Equipages de la Flotte comme matelot de seconde classe, il embarque le 20 septembre 1897 sur le Marceau où il reste une année. Après un court passage sur le d’Estaing, il est, du 16 novembre 1898 au 1er octobre 1900, à bord du Brennus une canonnière cuirassée de 11 000 tonnes. Dans la nuit du 10 au 11 août 1900, au large du Portugal, à 70 milles(1) au sud-est du cap Saint-Vincent, la Framée, un contre-torpilleur tout récent de 314 tonnes vient, par suite d’une fausse manœuvre, se jeter par le travers sur l'étrave du Brennus. Le choc est terrible.
Le Brennus bat machine arrière. L’eau s’engouffre dans l’ouverture béante faite dans le flanc de la Framée qui coule. Il y a de nombreux morts et Christophe, qui est brancardier, participe activement aux secours. Les hommes sont projetés à la mer ou s’y précipitent pour ne pas être entraînés par le fond. Beaucoup ne savent pas nager et hurlent au secours. On leur jette des objets divers pour qu’ils puissent s’y accrocher et certains, dans l’affolement, balancent des gueuses de fonte...
Le récit de cette catastrophe a bercé mon enfance. Mon grand-père attribuait sans conteste la responsabilité de la collision et le nombre important de morts à des fausses manoeuvres à la fois de la Framée et du Brennus.
Dans son numéro du samedi 18 août 1900 le "MONITEUR DE LA FLOTTE et le JOURNAL DU MATELOT (Réunis)" raconte le naufrage sous le titre "LA PERTE DE LA FRAMÉE" dans un long article que nous reproduisons dans son intégralité.
Dans la nuit de 10 au 11 août, l'escadre de la méditerranée passait au large du cap Saint-Vincent, au sud du Portugal, se dirigeant vers le détroit de Gibraltar. Le temps était superbe et la lune éclairait l'immense horizon.
Vers minuit, l'amiral FOURNIER, commandant de l'escadre, à bord du cuirassé Brennus, fit dire au contre-torpilleur Framée de se rapprocher du vaisseau-amiral pour recevoir des ordres.
La Framée s'avança aussiôt vers le Brennus et commença l'échange des signaux à bras lumineux.
Les deux navires ayant une direction convergeante, le commandant de vaisseau de Mauduit-Duplessix, commandant de la Framée, commanda de porter la barre 20 degrés à gauche. Par des circonstances que l'on ignorera toujours, l'ordre fut mal compris, le contre-torpilleur vint au contraire sur la droite et se précipita sur l'étrave du cuirassé.
L'officier de quart du Brennus s'étant aperçu du danger, il avait donné ordre de faire machine en arrière. Mais il était trop tard, le choc se produisit, le contre-torpilleur se coucha d'abord sur le flanc, puis se retourna, la quille en l'air, tandis que les hélices continuaient à tourner dans le vide. Quelques minutes après, la Framée sombrait par 850 mètres de fond.
La plus grande partie de l'équipage avait été surprise dans son sommeil, les chauffeurs et mécaniciens dans la chaufferie. Un matelot avait réussi à sauter sur la plage avant du cuirassé.
Le quartier-maître RIO, du Brennus, avait, en s'accrochant au bossoir13 intérieur, tendu sa ceinture de cuir au commandant de Mauduit-Duplessix. L'officier refusa : "Tout à l'heure", dit-il, et il se tourna vers ses hommes pour les engager à se sauver. L'officier-mécanicien voulant, lui aussi, s'occuper du sauvetage de ses hommes, les deux héros furent engloutis.
Quatorze marins*, bons nageurs, purent échapper aux remous terribles produits par la catastrophe et se maintenir sur des épaves, jusqu'à ce qu'on vint les recueillir du Brennus.
Les recherches, ordonnées par l'amiral FOURNIER, durèrent jusqu'à trois heures du matin, elles furent vaines.
La Framée avait fait ses essais à Brest le mois dernier.
Les bons Français doivent une prière aux âmes de ces marins, morts dans l'accomplissement de leur devoir.
* En réalité on comptera 47 victimes et 14 survivants.
Dessin paru dans LE PELERIN du 26 août 1900: