Du côté juridique:
la responsabilité du skipper.
Par robert.dupaquier le lun, 27/04/2009
« Quand la mer est tranquille, chaque bateau a un bon capitaine. » énonce un proverbe suédois.
Le skipper, skippeur ou capitaine en français, aussi chef de bord, seul maître à bord après dieu, se voit investit d'une responsabilité juridique importante en droit maritime.
Il doit veiller à la bonne marche du bateau, qu'il s'agisse de sa route, mais aussi de l'équipement du navire et de la sécurité de son équipage.
Il est, (parfois avec le propriétaire qui est présumé comme gardien), garant des événements survenus à bord du fait du bateau.
1) La responsabilité pour faute.
a) la faute civile
Le principe de responsabilisée droit français repose, en premier lieu sur la faute personnelle du chef de bord :
L'article 1382 du code civil dispose que : « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer. »L'article 1383 définit la faute non intentionnelle, la négligence.
Il pèse sur le skipper une présomption de responsabilité.
La responsabilité est écartée si la faute n'est pas suffisamment qualifiée. Le skipper n'est pas tenu à une obligation de résultat. « Ainsi, il est constant que l'état de la mer, la force du vent et la température de l'eau, environ 13 , rendaient particulièrement périlleux le sauvetage du malheureux équipier tombé à la mer ; que, dans ces conditions, il ne peut être reproché à Philippe X... de ne pas avoir plongé pour venir au secours de son équipier et ce d'autant plus qu'il n'avait aucun dispositif propre à assurer sa flottabilité, qu'il ne pouvait être relié au bateau par un cordage assez long, la réserve de flottabilité de sa propre veste de quart ne pouvant que se révéler insuffisante dans de telles circonstances » (Cour de cassation , chambre criminelle, 9 octobre 2001)
La responsabilité su skippeur n'est pas absolue. Les fautes des uns et des autres, notamment en matière d'abordage, doivent être appréciées en fonction de l'attitude de chacun. La cour d'appel de Rennes (14 novembre 2007, 7ème chambre) se prononce ainsi sur un partage de responsabilité entre deux chefs de bord qui jouaient à se croiser à vitesse rapide, chacun ayant commis une faute. « Considérant que, contrairement à ce que soutient M. X..., la règle 13-d n'édicte pas une obligation de résultat qui exonère le navire rattrapé de toute responsabilité ».
Si le chef de bord doit s'assurer que dans de mauvaises conditions, son équipage doit porter gilets et éventuellement harnais, il est tenu compte de l'expérience des équipiers : La cour de cassation estime au sujet de la noyade d'un équipier qu'il : « connaissait les risques de la navigation, était un équipier expérimenté et tenait la barre au moment du naufrage », la faute du skipper est reconnue seulement partielle. (Cour de cassation, 18 octobre 1989 2ème chambre civile)
b) La faute pénale
Le skipper peut se voir poursuivi sur le plan pénal.
Le principe de responsabilité pénale repose sur les imprudences et négligences. Elle est graduée en fonction de l'importance des dommages occasionnés. La répression repose sur les dispositions de l'article 221-6 du Code pénal : «Le fait de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l' article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, la mort d'autrui constitue un homicide involontaire puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. ». les blessures sont sanctionnées par l'article 222-19 du code Pénal.
La Cour d'appel d'Aix-en-Provence (7e Ch.), 19 janvier 1998, retient la faute de barre: « Le prévenu, capitaine d'un navire participant à une régate, doit être déclaré coupable du délit d'homicide involontaire dès lors qu'il est établi qu'au moment où l'abordage entre les navires allait se produire, il n'a pas effectué une manœuvre qu'il était seul en mesure de faire pour éviter ledit abordage, et ce au mépris de l'art. 17 (du règlement international de 1972 relatif à la prévention des abordages en mer) ;
...La prévenue, organisatrice d'une course nautique, qui maintient, dans un espace limité, des navires importants et peu manœuvrant en instance de départ d'une régate et des navires plus petits en situation de course, a commis des fautes d'imprudence et de négligence qui ont concouru à la réalisation de l'abordage entre les navires. Dans ces conditions, elle doit être déclarée coupable du délit d'homicide involontaire. »
La Cour d'appel de Lyon ( 9 juin 2005, 6ème chambre) juge ainsi qu' : « il pèse également sur le skipper une présomption de responsabilité, ce dernier ayant, selon les usages constants en mer, l'entière direction et le commandement du bateau et de son équipage...Monsieur X... a commis deux fautes d'imprudence caractérisées en : - naviguant non au grand large mais en frôlant le vent arrière ce qui a provoqué un empannage non contrôlé ainsi que tout marin doit en avoir conscience ;
- laissant Madame Z..., dans ces conditions virtuellement dangereuses de navigation, à proximité de la bôme et de l'écoute de grand'voile, alors que les circonstances imposaient qu'elle restât sur le pont ; Attendu qu'il y a lieu d'ajouter que, contrairement à ce que prétendent les appelants, un empannage non contrôlé résulte nécessairement d'une imprudence du barreur - ou du skipper - du moins en croisière et par mer belle, ce qui était le cas en l'espèce « ;
2) la garde du navire.
Le second principe de responsabilité est posé par l'article 1384 : « On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde. »
Le chef de bord est assimilé au propriétaire. Il est présumé gardien du navire : « le propriétaire du navire est présumé gardien responsable et qu'il lui appartient de s'exonérer de la présomption de responsabilité qui, à ce titre, pèse sur lui en démontrant qu'un membre de l'équipage a assuré la direction et le commandement du voilier ». (Cour d'appel de Lyon sixième chambre civile arrêt du 09 juin 2005 ).
La Cour d'appel de Nîmes, par un arrêt du 18 Novembre 2008 précise que le propriétaire réputé gardien ne peut soutenir qu'ayant loué le bateau avec skipper, le locataire disposait de la garde du bateau.
Mais le locataire peut demeurer gardien, même dans ces conditions. (Cour d'appel de Bastia 15 Octobre 2008). En l'occurrence, l'annexe du bateau avait été volée et les juges ont retenu la responsabilité du locataire, alors qu'il existait un skipper mandaté par le louer à bord ; cette décision semble parfaitement discutable.
3) Les limites de la responsabilité :
Le skipper ne peut voir sa responsabilité engagée, en cas d'acceptation des risques, notamment en matière de participation à une régate. Il faut cependant que les risques soient normalement prévisibles.
Ainsi la Cour de cassation (8 mars 1995, 2ème chambre) estime :
« Mais attendu que l'arrêt, après avoir exactement énoncé que l'acceptation des risques s'entend des risques normalement prévisibles, retient, que la course se déroulait en 24 heures, sur un parcours limité à 80 miles, à proximité des côtes ou dans des eaux protégées, que le départ retardé par de mauvaises conditions météorologiques a été donné par les organisateurs à de nombreux concurrents et que seul le voilier de M. X..., " skipper " expérimenté assisté de l'un des meilleurs équipages de la Société nautique, a coulé tragiquement, corps et biens sans cause certaine prouvée ... que si les membres de l'équipage avaient accepté les risques normaux et prévisibles d'une compétition en mer de haut niveau, ils n'avaient pas pour autant accepté le risque de mort qui, dans les circonstances de la cause, constituait un risque anormal ».
La faute d'un membre de l'équipage peut évidemment exclure la présomption de responsabilité du skipper.
4) La prescription :
Le délai pour agir en responsabilité est en principe celui du droit commun.
Depuis la réforme du régime de la prescription du 17 juin 2008, elle est de cinq ans pour les actions personnelles, dix ans pour les dommages corporels.
Mais il peut y avoir application des règles de courtes prescriptions en cas d'événement de mer. La Cour de cassation (Chambre commerciale 18 Mars 2008) a ainsi estimé que la loi du 7 juillet 1967 relative aux abordages trouvait application, en cas de blessure d'un équipier participant à une régate. Il convenait d'agir dans le délai de deux ans (article 7).
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