Ce post fait pendant à celui ouvert dans les chantiers "coques grises". Il est mené en partenariat avec le concours ouvert sur le forum "Heller Forever".
Le 3 juillet 1940 l'opération "Catapult" commence. Ce n'est pas sans mal que Churchill a réussi a mobilisé des officiers pour mener les flottes, tant ils sont hostiles à cette opération fratricide.
Elle vise principalement les navires dans les ports anglais, le Richelieu à Dakar, le Jean Bart à Casablanca, la flotte d'Alexandrie et celle de Mers el-Kébir. De Gibraltar la force H appareille, sous le commandement de l'Amiral Somerville. Il dispose du croiseur de bataille HMS Hood, des cuirassés Valiant et Resolution, du porte-avions Ark Royal, des croiseurs légers Arrethusa et Entreprise et d'une escorte de destroyers et deux sous-marins. L'un d'eux ira se positionner devant Alger.
A Mers el-Kébir le désarmement prévu par l'armistice a commencé, dont celui des batteries côtières, des sous-marins de surveillance et de l'aviation de chasse et bombardiers. La flotte est sous les ordres de l'amiral Marcel-Bruno Gensoul, réputé bon marin mais piètre politique. Il connaît bien ses futurs adversaires pour avoir mener avec eux des opérations de chasse aux croiseurs allemands Scharnhorst et Gneisenau en Atlantique nord.
Dans la flotte de Mers el-Kébir les avis sont partagés. Officiers et marins de métier souhaitent reprendre la mer aux côtés des anglais, les appelés attendent impatiemment leur démobilisation...
Au matin du 3 juillet donc, la flotte de Somerville se présente au nord de la rade. Somerville envoie le Capitaine de vaisseau Holland portant l'ultimatum à Gensoul.
Celui-ci interdit l'entrée de la rade au destroyer. Il est mécontent qu'on lui adresse un subalterne. Cependant le Capitaine Holland a été choisi car c'est un ancien attaché militaire à Paris qui parle très bien Français.
A son tour Gensoul envoie le Lieutenant de Vaisseau Dufay à la rencontre de Holland, qui rapporte à l'amiral l'ultimatum en partie rédigé par Churchill. Il contient 3 propositions:
- 1 La flotte rallie la flotte anglaise et se bat contre ses ennemis allemands et italiens;
- 2 La flotte rejoint un port anglais sous équipage réduit, les navires seront immobilisés le temps du conflit et restitués par la suite;
- 3 La flotte rejoint un port éloigné, les Antilles par exemple, y sera démilitarisée ou confier à la garde des USA, cela enfin de ne pas contrevenir aux dispositions de l'armistice qui stipule que les navires ne pourront être employés contre les Allemands et les Italiens.
Si aucune des dispositions n'est acceptée, soit la flotte se saborde, soit elle est attaquée. Le délai est de 6 heures.
Gensoul n'en retient que l'inacceptable.
à 9 H 40 le destroyer Foxhound qui embarque le Capitaine Holland quitte la zone, Gensoul ayant refusé de rencontrer l'émissaire. Il fait savoir à l'amirauté française qu'il s'apprête à engager le combat.
à 10 H les feux sont allumés sur plusieurs navires, dont le Strasbourg.
Les anglais envoient des messages optiques pour tenter de convaincre les équipages français de les rejoindre. Somerville, très confus à l'idée d'engager le combat contre d'anciens alliés, multiplie les messages pour inviter Gensoul à négocier.
Le Dunkerque et le Strasbourg mettent chacun deux hydravions Loire 130 à l'eau.
à 12 H 30 le délai arrive à terme. Gensoul fait connaître les termes de l'ultimatum à l'amirauté mais omet la troisième solution, les Antilles. En réponse, à 14 H, l'amirauté, n'ayant pu joindre Darlan, fait savoir qu'elle a mobilisé tous les navires en Méditerranée pour se porter en renfort.
Le Strasbourg se libère et pointe ses tourelles principales.
Gensoul fait savoir à Somerville qu'il est prêt à recevoir Holland pour négocier. L'ouverture du feu est suspendue. Gensoul immobilise les mouvements des destroyers pour ne pas donner l'impression qu'il veut appareiller. Gensoul se dit prêt à rallier les Antilles ou à désarmer sur place sous contrôle anglais. Mais l'amirauté britannique a intercepté les messages mobilisant les autres navires français en Méditerranée. Elle presse Somerville d'en finir rapidement.
17 H 35 Holland fait savoir à Somerville que Gensoul est prêt à certaines dispositions mais qui ne sont pas "exactement" celles prévues par l'ultimatum. Il quitte le Dunkerque ayant tenté le maximum pour éviter l'affrontement.
Aussitôt Gensoul donne l'ordre à tous les navires de lever l'ancre.
à 17 H 55 la flotte anglaise ouvre le feu.
Sans rentrer dans le détail minute après minute (j'ai des extraits de journaux de bord de différents navires), voici les principaux faits qui suivent:
Les contre-torpilleurs français sont les premiers à se dégager de la rade, notamment pour tracer un passage à travers les mines larguées par des avions de l'Ark Royal. La flotte anglaise se déplace, elle était au nord derrière la pointe qui ferme la rade, pour se présenter progressivement face aux cuirassés encore au mouillage.
Le vieux cuirassé Bretagne est gravement touché plusieurs fois, il prend feu puis explose 1/4 d'heure après l'ouverture des tirs, il commence à chavirer. 991 hommes d'équipages seront tués.
Le Provence, autre ancien cuirassé, touché, ira s'échouer sur les hauts fonds en bord de rade. Il ne compte que trois morts.
Le Commandant Teste, bien que resté sur son mouillage, n'accuse aucune perte ni dégâts sérieux, il récupère 40 marins du Bretagne.
Le contre-torpilleur Mogador, gravement touché, compte 38 pertes. Réduit à l'état d'épave, il va aussi s'échouer.
Le Dunkerque est touché sur sa tourelle principale II, ce n'est qu'un ricochet qui la mettra hors service. Puis un second obus de 381 mm traverse le hangar des hydravions (qui ont depuis décollé). deux autres obus le rendent ingouvernable, il va à petite vitesse s'échouer en bord de rade.
Le Strasbourg effectue la manoeuvre la plus remarquable de ce jour sinistre. A peine a-t-il quitté son mouillage qu'une salve tombe à l'emplacement précis qu'il occupait. il sort rapidement de la passe, tout en ouvrant le feu avec sa tourelle I.
A 18 H 15 Gensoul demande à Somerville de cesser le feu. Des Swordfish de l'Ark Royal signalent la sortie du Strasbourg. Somerville réagit avec retard, et lance le Hood à sa poursuite. Il s'en suit une course-poursuite entre le Hood et les avions de l'Ark Royal, attaqués aussi par la chasse française qui a repris du service, et le Strasbourg encadré par les contre-torpilleurs qui se sont échappés. L'épisode va durer 2 heures, certaines torpilles des Swordfish tombant à 25 mètres du cuirassé. à 21 H 12 l'affaire est conclue. Le Strasbourg et son escorte rejoindra Toulon 24 H plus tard.
A 21 H 20 Gensoul fait savoir à Somerville: "Navires à Mers el-Kébir hors de combat. Evacuons les équipages des bateaux". ce message sera d'ailleurs signalé comme collusion avec l'ennemi!
La flotte anglaise rejoint Gibraltar. Des bombardiers LeO 257 seront lancés en représailles dans la nuit du 4 au 5 juillet. A Londres, Winston Churchill déclare au Parlement: "Je fais juge, en toute confiance, de notre action, le parlement, la Nation et les Etats-Unis (!?!). En temps voulu, le monde et l'Histoire exprimeront aussi leur jugement."
A Alexandrie cependant, les amiraux Godfroy et Cunningham auront trouvé un accord opportun, l'amiral français acceptant de désarmer sur place, et l'anglais de lui faire confiance, sur parole.
L'épisode dramatique aurait pu en rester là. Mais, concernant le sort du Dunkerque, l'épilogue est douloureux. Plusieurs sources divergentes:
- L'amiral Gensoul aurait fait savoir par radio que le navire n'avait en définitive subit que des dégâts mineurs, qu'il serait en capacité de naviguer rapidement. Le message aurait été soit intercepté par les anglais, soit divulgué à un journal marseillais qui se serait empressé de publier la nouvelle; ou enfin, une reconnaissance aérienne britannique constate qu'effectivement le navire semble resté en bon état (et sans protections!).
Le 6 juillet le porte-avion Ark Royal lance plusieurs raides aériens sur le Dunkerque. Il n'est pas touché directement mais 44 grenades ASM du patrouilleur Terre Neuve qui est à flanc du cuirassé explosent, puis le dragueur auxiliaire Estérel qui est pulvérisé. Une brèche de 20 mètres est ouverte sur le flanc du navire amiral... ces raids provoqueront la mort de 240 marins supplémentaires. Le Dunkerque ne rejoindra Toulon que le 20 février 1942, puis sabordé en novembre de la même année. L'amiral Gensoul poursuivra une carrière honorable sans être inquiété pour sa gestion pitoyable de la bataille.
Il est à noter que durant toute la journée du 3 juillet, tous les cuirassés tenteront de répliquer aux tirs de la flotte anglaise. Néanmoins il n'y aura aucun dégât ni perte côté britannique. On sait que l'artillerie principale des cuirassés modernes, groupée en 4 canons par tourelle, était trop sensible aux vibrations, avec une dispersion des tirs de 200 à 1000 mètres...
Le 3 juillet 1940 l'opération "Catapult" commence. Ce n'est pas sans mal que Churchill a réussi a mobilisé des officiers pour mener les flottes, tant ils sont hostiles à cette opération fratricide.
Elle vise principalement les navires dans les ports anglais, le Richelieu à Dakar, le Jean Bart à Casablanca, la flotte d'Alexandrie et celle de Mers el-Kébir. De Gibraltar la force H appareille, sous le commandement de l'Amiral Somerville. Il dispose du croiseur de bataille HMS Hood, des cuirassés Valiant et Resolution, du porte-avions Ark Royal, des croiseurs légers Arrethusa et Entreprise et d'une escorte de destroyers et deux sous-marins. L'un d'eux ira se positionner devant Alger.
A Mers el-Kébir le désarmement prévu par l'armistice a commencé, dont celui des batteries côtières, des sous-marins de surveillance et de l'aviation de chasse et bombardiers. La flotte est sous les ordres de l'amiral Marcel-Bruno Gensoul, réputé bon marin mais piètre politique. Il connaît bien ses futurs adversaires pour avoir mener avec eux des opérations de chasse aux croiseurs allemands Scharnhorst et Gneisenau en Atlantique nord.
Dans la flotte de Mers el-Kébir les avis sont partagés. Officiers et marins de métier souhaitent reprendre la mer aux côtés des anglais, les appelés attendent impatiemment leur démobilisation...
Au matin du 3 juillet donc, la flotte de Somerville se présente au nord de la rade. Somerville envoie le Capitaine de vaisseau Holland portant l'ultimatum à Gensoul.
Celui-ci interdit l'entrée de la rade au destroyer. Il est mécontent qu'on lui adresse un subalterne. Cependant le Capitaine Holland a été choisi car c'est un ancien attaché militaire à Paris qui parle très bien Français.
A son tour Gensoul envoie le Lieutenant de Vaisseau Dufay à la rencontre de Holland, qui rapporte à l'amiral l'ultimatum en partie rédigé par Churchill. Il contient 3 propositions:
- 1 La flotte rallie la flotte anglaise et se bat contre ses ennemis allemands et italiens;
- 2 La flotte rejoint un port anglais sous équipage réduit, les navires seront immobilisés le temps du conflit et restitués par la suite;
- 3 La flotte rejoint un port éloigné, les Antilles par exemple, y sera démilitarisée ou confier à la garde des USA, cela enfin de ne pas contrevenir aux dispositions de l'armistice qui stipule que les navires ne pourront être employés contre les Allemands et les Italiens.
Si aucune des dispositions n'est acceptée, soit la flotte se saborde, soit elle est attaquée. Le délai est de 6 heures.
Gensoul n'en retient que l'inacceptable.
à 9 H 40 le destroyer Foxhound qui embarque le Capitaine Holland quitte la zone, Gensoul ayant refusé de rencontrer l'émissaire. Il fait savoir à l'amirauté française qu'il s'apprête à engager le combat.
à 10 H les feux sont allumés sur plusieurs navires, dont le Strasbourg.
Les anglais envoient des messages optiques pour tenter de convaincre les équipages français de les rejoindre. Somerville, très confus à l'idée d'engager le combat contre d'anciens alliés, multiplie les messages pour inviter Gensoul à négocier.
Le Dunkerque et le Strasbourg mettent chacun deux hydravions Loire 130 à l'eau.
à 12 H 30 le délai arrive à terme. Gensoul fait connaître les termes de l'ultimatum à l'amirauté mais omet la troisième solution, les Antilles. En réponse, à 14 H, l'amirauté, n'ayant pu joindre Darlan, fait savoir qu'elle a mobilisé tous les navires en Méditerranée pour se porter en renfort.
Le Strasbourg se libère et pointe ses tourelles principales.
Gensoul fait savoir à Somerville qu'il est prêt à recevoir Holland pour négocier. L'ouverture du feu est suspendue. Gensoul immobilise les mouvements des destroyers pour ne pas donner l'impression qu'il veut appareiller. Gensoul se dit prêt à rallier les Antilles ou à désarmer sur place sous contrôle anglais. Mais l'amirauté britannique a intercepté les messages mobilisant les autres navires français en Méditerranée. Elle presse Somerville d'en finir rapidement.
17 H 35 Holland fait savoir à Somerville que Gensoul est prêt à certaines dispositions mais qui ne sont pas "exactement" celles prévues par l'ultimatum. Il quitte le Dunkerque ayant tenté le maximum pour éviter l'affrontement.
Aussitôt Gensoul donne l'ordre à tous les navires de lever l'ancre.
à 17 H 55 la flotte anglaise ouvre le feu.
Sans rentrer dans le détail minute après minute (j'ai des extraits de journaux de bord de différents navires), voici les principaux faits qui suivent:
Les contre-torpilleurs français sont les premiers à se dégager de la rade, notamment pour tracer un passage à travers les mines larguées par des avions de l'Ark Royal. La flotte anglaise se déplace, elle était au nord derrière la pointe qui ferme la rade, pour se présenter progressivement face aux cuirassés encore au mouillage.
Le vieux cuirassé Bretagne est gravement touché plusieurs fois, il prend feu puis explose 1/4 d'heure après l'ouverture des tirs, il commence à chavirer. 991 hommes d'équipages seront tués.
Le Provence, autre ancien cuirassé, touché, ira s'échouer sur les hauts fonds en bord de rade. Il ne compte que trois morts.
Le Commandant Teste, bien que resté sur son mouillage, n'accuse aucune perte ni dégâts sérieux, il récupère 40 marins du Bretagne.
Le contre-torpilleur Mogador, gravement touché, compte 38 pertes. Réduit à l'état d'épave, il va aussi s'échouer.
Le Dunkerque est touché sur sa tourelle principale II, ce n'est qu'un ricochet qui la mettra hors service. Puis un second obus de 381 mm traverse le hangar des hydravions (qui ont depuis décollé). deux autres obus le rendent ingouvernable, il va à petite vitesse s'échouer en bord de rade.
Le Strasbourg effectue la manoeuvre la plus remarquable de ce jour sinistre. A peine a-t-il quitté son mouillage qu'une salve tombe à l'emplacement précis qu'il occupait. il sort rapidement de la passe, tout en ouvrant le feu avec sa tourelle I.
A 18 H 15 Gensoul demande à Somerville de cesser le feu. Des Swordfish de l'Ark Royal signalent la sortie du Strasbourg. Somerville réagit avec retard, et lance le Hood à sa poursuite. Il s'en suit une course-poursuite entre le Hood et les avions de l'Ark Royal, attaqués aussi par la chasse française qui a repris du service, et le Strasbourg encadré par les contre-torpilleurs qui se sont échappés. L'épisode va durer 2 heures, certaines torpilles des Swordfish tombant à 25 mètres du cuirassé. à 21 H 12 l'affaire est conclue. Le Strasbourg et son escorte rejoindra Toulon 24 H plus tard.
A 21 H 20 Gensoul fait savoir à Somerville: "Navires à Mers el-Kébir hors de combat. Evacuons les équipages des bateaux". ce message sera d'ailleurs signalé comme collusion avec l'ennemi!
La flotte anglaise rejoint Gibraltar. Des bombardiers LeO 257 seront lancés en représailles dans la nuit du 4 au 5 juillet. A Londres, Winston Churchill déclare au Parlement: "Je fais juge, en toute confiance, de notre action, le parlement, la Nation et les Etats-Unis (!?!). En temps voulu, le monde et l'Histoire exprimeront aussi leur jugement."
A Alexandrie cependant, les amiraux Godfroy et Cunningham auront trouvé un accord opportun, l'amiral français acceptant de désarmer sur place, et l'anglais de lui faire confiance, sur parole.
L'épisode dramatique aurait pu en rester là. Mais, concernant le sort du Dunkerque, l'épilogue est douloureux. Plusieurs sources divergentes:
- L'amiral Gensoul aurait fait savoir par radio que le navire n'avait en définitive subit que des dégâts mineurs, qu'il serait en capacité de naviguer rapidement. Le message aurait été soit intercepté par les anglais, soit divulgué à un journal marseillais qui se serait empressé de publier la nouvelle; ou enfin, une reconnaissance aérienne britannique constate qu'effectivement le navire semble resté en bon état (et sans protections!).
Le 6 juillet le porte-avion Ark Royal lance plusieurs raides aériens sur le Dunkerque. Il n'est pas touché directement mais 44 grenades ASM du patrouilleur Terre Neuve qui est à flanc du cuirassé explosent, puis le dragueur auxiliaire Estérel qui est pulvérisé. Une brèche de 20 mètres est ouverte sur le flanc du navire amiral... ces raids provoqueront la mort de 240 marins supplémentaires. Le Dunkerque ne rejoindra Toulon que le 20 février 1942, puis sabordé en novembre de la même année. L'amiral Gensoul poursuivra une carrière honorable sans être inquiété pour sa gestion pitoyable de la bataille.
Il est à noter que durant toute la journée du 3 juillet, tous les cuirassés tenteront de répliquer aux tirs de la flotte anglaise. Néanmoins il n'y aura aucun dégât ni perte côté britannique. On sait que l'artillerie principale des cuirassés modernes, groupée en 4 canons par tourelle, était trop sensible aux vibrations, avec une dispersion des tirs de 200 à 1000 mètres...