Le milliardaire Paul Allen (cofondateur de Microsoft et désormais philanthrope et découvreur d'épave) vient d'annoncer la découverte de l'épave du croiseur lourd USS Indianapolis (CA-35) dans la Mer des Philippines.
https://www.paulallen.com/wreckage-from-uss-indianapolis-located-in-philippine-sea/
L'épave gît par 5 500m de fond sur les flancs d'une montagne sous-marine, au milieu de la Mer des Philippines. Paul Allen et son équipe, à bord de son yacht spécialisé Octopus ont réussi à localiser l'épave et ont rapporté de fantastiques photos. A cette profondeur il n'y a pas de végétation, l'eau est très pauvre en oxygène et l'épave est très "propre". On distingue même la peinture d'origine toujours présente.
Toutes ces photos sont publiées "courtesy Paul Allen" comme demandé sur son site.L'une des ancres du croiseur :
Un débris portant le nom du croiseur :
Le matricule 35 du croiseur sur le flanc bâbord :
L'un des cabestans de la plage avant. la partie avant est apparemment détachée et couchée sur le flanc. Le cabestan porte une étoile, ajoutée juste avant son dernier voyage, quand le croiseur a reçu la Presidential Unit Citation pour l'ensemble de sa carrière :
Ici on voit la cloche du navire :
Rappelons les circonstances tragiques de la disparition de ce croiseur, la dernière unité américaine a avoir été perdue pendant la Seconde Guerre Mondiale.
Après réparations et modifications à Hunter's Point (San Francisco) au printemps 1945, l'Indy fut envoyé en mission secrète : il s'agissait de convoyer le plus rapidement possible vers l'île de Tinian la matière fissile destinée à Little Boy, la bombe atomique d'Hiroshima. Après livraison de sa cargaison secrète le 26 juillet 1945 (battant au passage le record de vitesse de la traversée vers Pearl Harbor, record qui tient toujours) il reçut l'ordre de rallier Leyte aux Philippines via Guam pour (re)devenir le navire amiral de la TF 95 de l'amiral Oldendorf. Il lui fallait deux jours pour traverser la mer des Philippines, sans escorte car elle était désormais en arrière de la ligne de front et il devait juste se signaler à l'arrivée pour des exercices d'entrainement.
Malheureusement, le sous-marin I-58 du commandant Hashimoto, errant à la recherche de cibles et en fin de patrouille s'était posté à tout hasard au croisement des routes Guam-Leyte et Palau-Okinawa. La rencontre eu lieu le 30 juillet 1945 à 0h14. Le croiseur fut surpris dans l'obscurité, reçut deux torpilles qui l'envoyèrent par le fond en 12 minutes.
On estime qu'environ 800 hommes (sur 1 300) se retrouvèrent dans l'eau en pleine nuit, sans avoir pu envoyer de S.O.S.
C'est là que l'incident, déjà tragique, vira au drame. L'Indy se trouvait exactement au mauvais endroit, administrativement parlant, à cheval entre les zones sous commandement de la zone des Mariannes (Nimitz) à l'Est et sous administration de la Philippines Sea Frontier (Mc Arthur) à l'Ouest. Les communications passaient mal pour les tâches secondaires comme l'était ce convoyage de grosses unités en arrière du front et lorsque le croiseur ne se présenta pas le surlendemain en baie de Leyte, personne ne s'en inquiéta et personne ne le signala à Guam.
Alors commença un long calvaire de trois jours et demi pour les hommes séparés en deux groupes : une petite partie (avec le commandant Mc Vay) dans les quelques radeaux qui avaient été mis à l'eau et, bien éloignés, un très gros groupe qui nageait dans l'eau, soutenu par les gilets de sauvetage en kapok.
Aucune recherche n'avait été déclenchée. Les survivants étaient au milieu de nulle part, crevant de soif et brûlés par le soleil le jour. Au deuxième jour les requins rappliquèrent et commencèrent leur festin en emportant les malheureux un par un.
Enfin, au moment même où on commençait à se demander ce qu'avait bien pu devenir le croiseur, un Lockheed Ventura en patrouille de routine repéra par un pur hasard une trainée de mazout qui le conduisit jusqu'au groupe des radeaux. Un Catalina rappliqua aussitôt, qui décida d'amerrir malgré la haute mer et le monde apprit avec stupeur ce qui s'était passé. La Navy déclencha une grande opération de récupération mais au final seulement 317 hommes furent sauvés. Plus de 500 étaient morts d'épuisement ou dévorés par les requins.
Ce drame fit grand bruit : il fit la une des journaux aux USA sur la même page que l'annonce de la capitulation japonaise le 15 août. On imagine le choc dans l'opinion.
Lorsque les circonstances de "l'abandon" de l'équipage furent connues la Navy se trouva en grande difficulté face à l'opinion et choisit de s'en tirer par la pire décision imaginable : traduire le commandant Mc Vay en cour martiale pour la perte de son navire en temps de guerre (une première dans l'US Navy).
Le procès eut lieu à l'automne 1945 et l'accusation dépassa les bornes en faisant venir le commandant Hashimoto à la barre pour témoigner à charge... sans succès. L'argument principal de l'accusation était que McVay n'avait pas donné l'ordre explicite de zigzaguer en quittant son quart. Hashimoto fut formel : zigzag ou pas, vu les condition au moment du tir cela n'aurait fait aucune différence.
Ces évènements finirent par retourner l'opinion. Mc Vay, sanctionné, fut aussitôt gracié par Nimitz et rétabli dans son grade. Il prit sa retraite comme contre-amiral en 1949... mais finit par se suicider en 1968 avec son arme de service, n'ayant jamais supporté d'avoir survécu à ses hommes. L'organisation de la marine avait été mise en cause et les officiers administratifs responsables furent sanctionnés... pour voir l'abandon de toute charge devant l'ampleur du scandale.
En 2001 le président Clinton signa un décret annulant toute la procédure et rétablissant tous les personnels dans leur grade et situation.
Cette cruelle aventure de mer est racontée en détail dans le livre "Abandon Ship!" (en français : 800 hommes à la mer). Elle a fait l'objet d'un téléfilm avec Stacy Keach (1991, pas trop mal) et plus récemment d'un film avec Nicolas Cage (2016).
_Bruno
Dernière édition par bgire le Dim 20 Aoû 2017, 17:31, édité 3 fois
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Hi Bob!
C'est curieux chez les marins ce besoin de faire des phrases
Si Vis Pacem Parafilmum
La sous-couche, c'est un apprêt que l'on met avant
Si on bricolait plus souvent on aurait moins la tête aux bêtises
Omnes stulti, et deliberationes non utentes, omnia tentant
Une journée au cours de laquelle on n'a pas ri est une journée perdue
Espérons que le fond de la mer est étanche
Oh, ça c'est le Quacta qui se moque du Stifling
Telle est la Voie !