Francisdrake a écrit: Vous engueulez pas,
matelots, on est dans le ludique
On discute... du moins, je l'espère !
Un élément intéressant que j'ai omis jusqu'ici : le décorateur du film de Disney, qui fut aussi le concepteur du Nautilus qu'on y voit, expliquait son interprétation de Jules Verne de la manière suivante : j'ai recherché à rendre l'e caractère fantastique du récit en prenant la forme du requin comme base de travail, et en le revêtant de rivets pour évoquer accessoirement la peau d'un crocodile
Ces animaux devaient donc matérialiser selon lui une perception du navire de Némo en tant qu'animal chimérique et fondamentalement maléfique (Némo, dont le nom rappelle le fameux "Mon nom est Personne" de l'Odyssée, dans l'épisode du Cyclope) est lui même par certain côtés une incarnation d'une malice diabolique - le savant y est représenté comme souvent dans ce genre de bouquins sous la forme d'un être pactisant avec des forces extraordinaires, dont il détient la clé par une sorte d'enchantement maléfique)
C'est aussi pour cette raison qu'il a ajouté les fameux hublots phosporescents, comme un regard venu de l'Enfer, et qui ne diffère pas dans l'esprit, du rayon vert émis par les robots de je ne sais plus quelle Guerre des Mondes...
De cela, il ressort bien le génie de Jules Verne, qui est d'exciter l'imaginaire de son lecteur, ce qui dépasse largement la prétention "réaliste", voire "naturaliste" (au sens de Zola) de son oeuvre, et heureusement !
J'en tire la conclusion effective que de rechercher une corrélation entre les romans de Verne et les documents dont il s'est servi est une analyse très réductrice par rapport à la réalité de son oeuvre
Le faire reviendrait, par exemple, à rejeter entièrement le "Voyage au centre de la Terre" comme le fit avec un certain mépris Haroun Tazieff, au nom de l'orthodoxie scientifique
A l'opposé, il convient de noter que les Américains, hyper matérialistes, mais rêveurs du futur, ont baptisé la première navette spatiale "Columbia", et le premier sous-marin nucléaire "Nautilus", dans un hommage assez appuyé au vrai génie de Jules Verne, et pourtant, Dieu sait à quel point ces machines réelles sont éloignées de ce que pouvait concevoir l'auteur de son temps !
Ajoutez à cela le fait que le même décorateur de chez Disney s'était heurté au côté assez décousu du bouquin, qui, du fait de sa conception par épisodes, manquait de la dramaturgie d'un fil conducteur solide : ce défaut fut particulièrement problématique au moment d'introduire dans le récit filmé le fameux épisode du Calmar géant : ce qui passe très bien dans une structure de feuilleton est beaucoup moins évident à amener dans le déroulement d'un récit en continu
On retrouverait la question de ce choix cornélien au niveau du modèle de notre ami :
- Mettre en scène un diaporama de l'attaque du Calmar géant est une possibilité, avec les mêmes tracas que ceux du film : le plastique ne fait pas très réaliste, et un moment-clé, même dramatique, en mode "arrêt sur image", tend à figer, à suspendre l'action, donc à la rendre irréaliste - Sur le film, c'est dans l'animation du Calmar en caoutchouc qu'est apparue la limite de l'exercice, et seul le recours aux gerbes d'eau d'une tempête fictive se passant la nuit a permis de camoufler les faiblesses intrinsèques de cet animal synthétique
- Le présenter plutôt comme une maquette statique de sous-marin, en laissant cavaler l'imaginaire du spectateur pour le complément
Je dois avouer que pour moi, la présentation dépouillée sur ber serait plus conforme à la liberté de l'auteur du bouquin, moins réductrice, et permettrait d'intégrer ce modèle dans une collection de sous-marins actuels, un peu comme on met au mur le portrait d'un lointain ancêtre...
Mais, bien sûr, c'est au modéliste de donner sa propre lecture, et au spectateur d'adhérer ou non
Amitiés
Christian