Historique du cuirassé Courbet:
Le Courbet est le premier des trois cuirassés équipant la marine française à compter de 1913 (les deux autres étant le Jean Bart et le Paris). Construit à Lorient, il est immédiatement utilisé lors de la Première Guerre mondiale, participant notamment à la destruction du croiseur austro-hongrois Zenta en mer Méditerranée en août 1914. Il prend par également au blocus de la marine austro-hongroise en mer adriatique.
Durant l’Entre-deux-Guerres, le Courbet est modernisé à plusieurs reprises, ses armes de bord sont remplacées et améliorées. Opérant au profit de l’école de tir puis à l’école de navigation en 1937, il est sensé terminer sa carrière à l’école de tir en 1939, mais le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale en décide autrement. Déployé au large de Cherbourg, il reçoit l’ordre d’appuyer les défenseurs de la ville contre les unités de la 7ème division blindée allemande, sans succès.
Le 20 juin 1940, le Courbet fait route vers l’Angleterre pour rejoindre les forces françaises libres où il est utilisé comme bâtiment antiaérien pour la défense de Portsmouth. A bord du cuirassé se trouvait notamment le canonnier Léon Gautier, l’un des 177 soldats français du commando Kieffer ayant débarqué le 6 juin en Normandie. Désarmé le 31 mars 1941, il traverse la Manche pour la dernière fois en juin 1944, remorqué par les H.M.R.T. Growler et H.M.R.T. Samsonia, pour être coulé le 9 juin à 13h30 devant Sword Beach. Utilisée comme brise-lames au sein d’un des gooseberries (son bloc moteur ayant été remplacé au préalable par du béton), l’épave est surmontée d’un drapeau tricolore frappé de la croix de Lorraine.
Sa tourelle de DCA (défense contre avions) reste active pendant la durée de la bataille de Normandie et ouvre le feu sur les appareils de la Luftwaffe dans ce secteur, gênant les Allemands qui cherchent alors à éliminer définitivement cette menace. Le Courbet est heurtée par des torpilles Neger pendant la nuit du 15 au 16 août ainsi que la nuit suivante.
https://www.dday-overlord.com/materiel/navires/cuirasse-courbet
Le Courbet à Portsmouth
Le 25 mai 1940, en pleine débâcle, le Courbet fait route vers Cherbourg puis vers la baie des Veys pour protéger le rembarquement des troupes britanniques et ralentir par pilonnage les colonnes blindées de Rommel qui foncent à travers le Cotentin. Puis avec l'armistice direction Portsmouth, le navire est saisi par la Royal Navy dans le cadre de l'opération Catapult de sinistre mémoire (Mers El Kébir, Dakar...). Il sera ensuite remis aux Forces Navales Françaises Libres et c'est sous l'étendard frappé de la croix de Lorraine qu'il participera à la défense aérienne du port militaire britannique avec cinq avions ennemis abattus à son palmarès. Casernement flottant, un temps annexe de l'Ecole navale, il verra passer, à ce titre, à son bord un certain aspirant Philippe de Gaulle. Il échappera provisoirement à la démolition en étant affecté comme plusieurs autres navires hors d'âge au goosberry de Sword beach pour y être sabordé.
Dernière mission
C'est ainsi que le vénérable bâtiment appareille le 7 juin au petit matin, sous les ordre du capitaine de vaisseau Wietzel secondé par le capitaine de frégate Le Floch, pour les côtes normandes. Pas question d'utiliser ses antiques chaudières depuis longtemps refroidies et encrassées, il est pris en charge par les remorqueurs Crowler et Samsonia qui, à la vitesse de cinq noeuds lui font traverser la Manche.
Avec un équipage réduit à cinquante hommes, sans vapeur pour alimenter les machineries, sans instruments de navigation toute manoeuvre est délicate mais malgré une rupture de remorque, le vénérable navire parviendra à bon port si l'on ose écrire. Et à 13h15, le 9 juin, le commandant, après avoir fait abandonner le navire, pavillon haut, déclenchera les charges explosives qui allaient immobiliser le géant par onze mètres de fond.
Le tirant d'eau du cuirassé étant de huit mètres soixante, une grande partie des superstructures émerge et des canonniers britanniques succèdent à l'équipage français afin d'utiliser des pièces d'artillerie légère contre les défenses côtières allemandes. Les vieux canons de 305, contrairement à la légende, n'ont jamais tiré un obus vers les côtes françaises, il n'étaient plus en état de fonctionner depuis longtemps! Mais l'imposante silhouette attira les tirs ennemis y compris jusqu'à la nuit du 16 au 17 août où le bâtiment reçu deux torpilles allemandes qui ne le firent pas bouger d'un pouce...et pour cause!
Mais elles causèrent d'importants dégâts à la coque qui finit par casser en deux.
https://lepetitbedouin.blogspot.com/2015/08/pas-bedouin-mais-presque-le-cuirasse.html
"Mardi 20 juin. Là où nous sommes, on est toujours sous le feu de l’artillerie ennemie, on souffre tous les jours. Mais ce qui est bon pour le moral, c’est que depuis les hauteurs, on voit aussi très bien la mer. On aperçoit même Ouistreham et son église, et devant, de nombreux bateaux de guerre.
Parmi ces navires, il y a les bateaux qui ont été coulés sur place par les Alliés pour servir de brise lame. Il paraît même qu’il y a un navire français, le vieux cuirassé Courbet, qui a été ramené d’Angleterre et qui a été échoué devant l’endroit même où on a débarqué il y a 15 jours. Il est tellement énorme que même à marée haute, une partie demeure hors de l'eau. Du coup il sert maintenant de base antiaérienne : 35 hommes de la Royal Atillery sont à bord en permanence pour défendre les plages!
Ces nouvelles, ça fait chaud au coeur, on sait qu'un peu partout sur la côte, tout le monde lutte pour la victoire. Notre isolement nous paraît dans ces moments là un peu plus supportable…Mais déjà, il faut s'arracher à cette vue réconfortante pour se remettre à couvert. Les Allemands ont recommencé à nous canarder!."
https://blog.francetvinfo.fr/jour-j/2014/06/20/jour-j-14-ils-ont-coule-le-courbet.html
La proie des ferrailleurs
Vendue par les Domaines en 1946, l'épave est livrée aux ferrailleurs. L'initiative du maire d'Hermanville qui avait envisagé un classement au titre des monuments historiques ayant préalablement échoué. On annonce 25 000 tonnes de métal à récupérer dont huit cents tonnes de métaux non ferreux. Une aubaine que saisira la société "La sirène" basée à Ouistreham et créée par des professionnels de la récupération d'épaves, la famille Serra.
Il faut toute l'ingéniosité de ces spécialistes pour venir à bout du mastodonte. La ferraille chargée sur des chalands transitera par notre port préféré jusqu'à Caen où pas moins de 1500 wagons l'évacueront vers les hauts fourneaux espagnols. Certaines pièces seront réutilisées telles quelles comme plusieurs chaudières ou bien encore des vannes qui seront remontées sur le réseau d'eau potable de la ville du Mans. "La sirène" revendra la concession en 1952 à René Legros qui n'en profitera pas longtemps puisqu'il périt en 1955 dans l'explosion du chalutier qui l'emmenait sur l'épave. Deux autres récupérateurs lui succédèrent et l'exploitation de la concession cessa au début des années 1970. Lors de "la marée du siècle" du 27 mars 1967, Tonton Bédouin se souvient avoir vu à marée (très) basse, les vestiges du navire. Aujourd'hui ce qui reste du Courbet n'est plus désormais visible que par les plongeurs; l'épave fait aussi le bonheur des pêcheurs puisqu'elle abrite de jolis bars...entre autres.
Vestiges ouistrehamais
La majeure partie du vieux navire a ainsi disparu, Si des hublots de laiton ou de grosses galettes de charbon sont allés décorer quelques salons d'amateurs de plongées, il reste à Ouistreham au moins deux vestiges de taille du l'antique vaisseau. Le télémètre est exposé au musée du Grand Bunker et le mat aux signaux arbore aujourd'hui les pavillons de la Société des Régates de Caen-Ouistreham au port de plaisance.
Le fameux mats aux signaux du cuirassé Courbet aujourd'hui au port de plaisance de Ouistreham.