Bonjour tout le monde
Je découvre ce sujet en retard et je ne résiste pas au plaisir de vous (re)servir un petit texte que j'avais composé il y a 11 ans au sujet de cette question existentialiste fondamentale : "pourquoi faisons-nous des maquettes de bateau ?"
J'ai "déterminé" plusieurs catégories de modélistes/ maquettistes... une liste que je vous invite à compléter.
Il n'y a pas une seule race de maquettiste, mais nous arrivons à cette activité de plein de façon différentes qui sont toutes aussi justifiables et respectables les unes que les autres.
Je cite dans le désordre : (nous nous y reconnaitrons tous à un moment ou à un autre)
1- L'artiste, qui assemble uniquement pour le plaisir d'assembler, de coller, de peindre, bref de créer. Le nom du bateau n'a pas beaucoup d'importance, ni "l'exactitude" par rapport à l'original, ce qui ne l'empêche pas de faire dessus un travail souvent superbe et qui épate les "spécialistes".
2- Le "devoir de mémoire" dont le père, le grand-père ou une connaissance a navigué sur le bateau untel,
qu'on a bassiné avec toute son enfance qui en a entendu parler toute son enfance et qui, le désir de construire une maquette venant, se tourne naturellement vers CE bateau, essentiellement pour faire plaisir à cette connaissance (don, cadeau, etc). J'ai même connu une gamine qui a construit "l'avion-sur-lequel-son-papy-a-volé" et, au décès dudit grand-père, a tenu à placer la maquette dans le cercueil ! Émouvant, non ?
3- Le nostalgique qui a, le chanceux, navigué pour de vrai sur le bateau untel et qui perpétue sa mémoire et ses souvenirs (aaaahhh le bon temps!) en le réalisant de la quille à la pomme de mât, en passant par le chien du bosco, pour son plaisir personnel.
4- Le "Rivet-counter" (pinailleur) qui choisit un bateau pour diverses raisons, puis s'évertue à le réaliser au rivet près, passant des heures carrées à fouiller partout dans les archives mondiales (le Web Martien n'est pas encore accessible) et, le modèle pratiquement achevé, tombe sur LE document-de-la-mort-qui-tue qui "réduit à néant des mois de travail" (= le force à reprendre un tout petit détail microscopique que même un hamster ne remarquerait pas). En général, il pète un câble, puis se reprend et repart de plus belle (là, je vous le concède, il y a une composante SM non négligeable). Il a son meurtrier, l'autre rivet-counter qui le regarde assembler sans rien dire, puis attend qu'il publie les photo de son chef d’œuvre pour pointer une "erreur" qui va faire le même effet. Sans arme, juste le crime parfait.
5- Le boulimique qui ne conçoit sa vitrine qu'occupée par une flotte, que dis-je, d'une véritable armada. Il peut construire très vite, avec une qualité simple à correcte : c'est la quantité qui prime. J'en ai connu un qui assemblait 8 destroyers de la même classe en même temps, d'ici que le premier appareille avant que la peinture du dernier ne soit sèche... Taylorisme pas mort ! J'ai même vu un gamin qui trempait ses pièces dans le pot de peinture pour les peindre plus vite.
6- Le contemplatif, qui met un temps fou pour assembler sa maquette pièce à pièce et passe énormément de temps à la contempler entre chaque étape, en prenant moult photos et en faisant profiter les copains. Il "vit" sa construction et celle-ci a plus d'importance à ses yeux que le modèle terminé. S'il pouvait se transformer en hamster minus pour littéralement "entrer" dans la coque et la construire de l'intérieur, il n'hésiterait pas, à condition de redevenir citrouille à minuit.
J'en ai même connu qui, à la fin, donnaient leur maquette achevée au gamin des voisins. J'en connais même un qui s'arrête à UNE pièce de l'achèvement car une fois terminé, cela n'a plus d'intérêt !
7- Le passionné d'Histoire (navale et autre), qui ne peut concevoir l'assemblage d'un bateau sans le contexte qui va avec. Il va pinailler pour déterminer la date à laquelle a été installé le trucmuche de 152mm à conduite semi-géométrique zénithale et après se poser des problèmes car il faut que cela concorde avec la date à laquelle le bouzingue aléatoire a été repeint en gris Med-hamster-année. En général, il produit lentement des modèles superbes dont il est le SEUL à apprécier la précision... mais de ce dernier aspect, il s'en f...!
8- L'obsédé du réalisme, qui va composer ses peintures lui-même pour restituer l'effet d'échelle, se prendre la tête pour la couleur exacte du lino qui recouvre la passerelle n°3, bien que celle-ci, au final, soit complètement masquée par la passerelle n°4 (et le pire, c'est qu'il le savait !). Mais pour lui, la construction est aussi un défi, un challenge qu'il se doit de relever. Les goûts et les couleurs...
9- L'ingénieur-naval-qui-s'ignore : il choisit son modèle en fonction de ce que l'original a apporté à la construction navale. Soit par ses innovations, soit par l'évolution qu'il représente par rapport au navire précédent.
Il veut mettre en pratique (concrètement) ce qu'il a appris dans ses lectures (car il sait aussi lire) et qui le passionne. Celui-là est tout préparé à s'intéresser aux bateaux qui n'ont jamais existé : ces "chaînons manquants" qui donnent une cohérence à une série de bateaux. Il voit un navire comme un artefact dans une évolution... ouais ouais, je sais, le maquettisme n'est pas encore interdit aux intellos...
10- L'affectif pur, qui a littéralement flashé pour un bateau sans savoir pourquoi (silhouette, forme, couleur, contexte au moment où il l'a découvert) : il construit avec passion et soin mais c'est l'objet et lui seul qui compte. A la limite, que ce soit le Richebart ou le Jean Lieu, il s'en fout.
11- L'imaginatif, qui part d'éléments de maquettes existantes avec une louche de scratch et "invente" le "bateau-du-futur-qui-n'a-jamais-existé", limité seulement par son imagination, la taille de son tube de colle et les dimensions de son atelier ou de la vitrine du salon (ou plus exactement, la place dans la vitrine négociée de haute lutte avec sa moitié - que les maquettistes américains appellent le "CinC"). Il fera cohabiter sans peine le silo de missiles Aster avec le canon de 138 modèle 1881 à culasse mobile, pourvu que le grand hunier n'interfère pas avec le pont d'envol.
12- Le "mâle", le vrai, pour qui plus y'a de canons/ mitrailleuse/ missiles/ petits n'avions montés sur la coque, plus c'est "sexy". Et même son dérivé, pour qui plus le canon est gros... Mais je n'ose m'aventurer plus loin, je suis sur un forum de bonne tenue.
13- L'anticonformiste, qui en a ras-le-bol de voir des Bismarck et des Hood, ou des Hood et des Bismarck et choisit de construire LE bateau que personne ne connait. Ensuite il le montre et le commente avec passion à un public béat... qui ne connait ni le Hood ni le Bismarck!
14- L'écureuil : c'est une variété "calme" du boulimique. Il a un jour raté une l'achat d'une maquette qui était épuisée et depuis il achète tout ce qui sort et constitue une réserve "pour la retraite" qui va enfler et devenir énorme. L'ennui est que parvenu à l'âge de la retraite (qui recule tous les ans) il sera trop diminué pour en tirer un plaisir. Qu'il soit rassuré : au pire, la vente des maquettes (devenues rares) aux enchères sur eBay suffira certainement à payer ses obsèques.
Voilà, j'arrête à 14.
Il y en a certainement bien d'autres.
En tout cas le maquettisme a souvent ce point commun avec la psychanalyse que les deux ne sont pas remboursés par la sécurité sociale...
Personnellement je me reconnais dans 7 catégories au moins. Et vous ?
J'ajoute que je construis principalement des bateaux depuis 1968, que je suis fasciné par la mer tout en étant hydrophobe
(me rendre hydrophile ne sera pas coton) et que sur un vrai bateau je suis terrorisé dès qu'il y a plus de dix mètres de fond à la simple idée d'imaginer ce qu'il y a "dessous". Bon, d'accord, je sais nager.
_Bruno
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Hi Bob!
C'est curieux chez les marins ce besoin de faire des phrases
Si Vis Pacem Parafilmum
La sous-couche, c'est un apprêt que l'on met avant
Si on bricolait plus souvent on aurait moins la tête aux bêtises
Omnes stulti, et deliberationes non utentes, omnia tentant
Une journée au cours de laquelle on n'a pas ri est une journée perdue
Espérons que le fond de la mer est étanche
Oh, ça c'est le Quacta qui se moque du Stifling
Telle est la Voie !