Je ne connais pas l'histoire de ce caboteur de la Soflumar, par contre j'ai navigué sur ce genre de caboteurs un peu plus gros transportant des produits raffinés au début de ma carrière, comme du fuel lourd, du kérosène, du gas-oil, et pour l'époque qui concerne le Lyautey de l'essence plombée, super et ordinaire comme on disait à l'époque.
Le plomb n'est plus utilisé dans l'essence depuis 1990 en France. On transportait souvent ces 5 produits (6 pour ma part avec du gaz Butane) ensemble dans différentes citernes bien sûr.
Mais les plans de chargement et quantités changeaient à chaque voyage, il fallait donc nettoyer certaines citernes avant de charger un produit différent. Ca se faisait au canon "butterworth" mobile qu'on descendait manuellement à différentes hauteurs de la citerne pour la nettoyer. Ca pouvait être de l'eau très chaude pour le fuel lourd, ou du gas oil ou du kéroséne pour d'autres citernes pour nettoyer uniquement le fond. Il fallait également ventilé la citerne pour retirer les vapeurs de combustible.
Ces dernières opérations étaient particulièrement dangereuses à causes de l'électricité provoquée par la vitesse importante de circulation du fluides ou bout de ce double canon Butterworth. ces petites n'étaient pas équipés de gaz inertes pour les citernes. Une petites étincelle électrostatique pouvaient donc provoquer une explosion dramatique dans la cuve, rempli d'un mélanges de gaz explosif et d'air. Pour cette raison la canon était relié à la masse du navire à l'aide sa manche spéciale en caoutchouc contenant un fil conducteur, relié à l'acier du navire en dehors de la citerne. La conductivité et continuité de ce fil était particulièrement surveillée à chaque utilisation bien sûr.
Ce système mobile a été abandonné avec l'arrivé des caboteurs équipé de gaz inerte dans les cuves.
Il y a eu beaucoup d'accident. L'air sur le pont pouvait devenir assez irrespirable lors de ces opérations.
Tout ça pour dire qu'à l'époque en respirait des gaz toxiques à bord notamment avec l'essence et le kérosène lors des chargement , car les gaz sortaient sur le pont soit par le panneau de citerne souvent resté ouvert pour pouvoir sondé les quantités en cours de chargement avec un sonde à ruban manuelle. Soit par la soupape de sureté de la citerne en forme d'obus qui était prévue pour ça.
Les vapeurs d'essence retombaient sur le pont car plus lourde que l'air. Il y avait dans ce cas une forte odeur d'essence sur le pont pour peu qu'il n'y ait pas de vent. Pas très bon pour la santé.
L'essence sans plomb n'est pas mieux à l'heure actuelle car plus volatile, on en prend souvent une bonne bouffée en France quand on fait le plein de son auto. D'autres pays ont opté pour l'aspiration des vapeurs au niveau du pistolet.
D'autres parts, lors du nettoyage complet des citernes, les marins descendaient avec un narguilé dans la citernes pour retirer les sédiments et rouille ( Les citernes n'étaient pas peintes à l'époque) qui pouvaient s'accumuler au fond en grande quantités, c'était fait à la main, pelle, seau, raclette.
Un travail rendu très pénible à cause de la structure métallique de la coque du fond de citerne qu'il fallait enjamber, avec le narguilé, la chaleur.. Il faut savoir qu'on respire par la peau également.
Une prime était souvent donnée aux marins participants pour chaque "dégazage", parfois les officiers participaient aussi car, nous n'étions pas nombreux à bord et ça arrondissait les fins de mois au détriment de la santé, pour ma part, on était 7 marins sur un bateau de 90 mètres automatisé.
J'ai un ami commandant avec qui j'ai navigué qui a été touché par le saturnisme à cause de ça.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Saturnisme#:~:text=Le%20saturnisme%20est%20la%20maladie,ou%20chronique%20par%20le%20plomb.
Mais sur le Lyautey ils devaient être bien plus nombreux à bord à l'époque, car non automatisé.
L'amiante a aussi causé pas mal de décès probablement, son effet n'était pas appréhendé à l'époque, ca touchait plus le personnel machine à bord, mais la ventilation pouvait disperser ses poussières à bord. Dates d'interdiction de l'utilisation de l'amiante (1997 en France et 2005 en Europe).
https://www.mer.gouv.fr/sites/default/files/2020-11/Accidents%20du%20travail%20et%20maladies%20professionnelles%20maritimes%20-%20Bilan%202018.pdf
Mon père qui était officier mécanicien depuis 1946 a été un peu touché par l'amiante, mais n'est pas décédé par chance de ce fléau, il aura profité de sa retraite. Mais beaucoup de marins à l'époque ne dépassaient pas les 65 ans d'espérance de vie pour différentes raisons, c'est un métier difficile surtout au cabotage et au long cours, d'où la retraite à 55 ans..
La réglementation est passée par là au fur et à mesure, et quoi qu'on en pense, ça a amélioré les conditions de travail.
Pour ton oncle, c'est donc possible, les conditions de travail n'étaient pas au top à l'époque d'après mon père.
Je crois que les maladies du coeur des commandants sont reconnues comme maladie professionnel depuis quelques dizaines d'années, en rapport avec le stress répétitif engendré par la fonction.
Un articles interessant de L'Afcan sur La maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) :
https://afcan.org/dossiers_environnement/poumons_marins.html
Risques élevés pour les marins de contracter une maladie pulmonaire
Traduction libre par le commandant J.F. Gicquiaud d'un article paru sur le site internet http://www.sciencetimes.com
Les recherches ont montré que les marins ont le risque le plus élevé de contracter la maladie pulmonaire obstructive chronique. Les mineurs (de charbon) et les travailleurs en nettoyage industriel suivent dans la liste.
La maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) affecte les poumons et la personne malade va se trouver dans l'incapacité de respirer correctement. Les autres symptômes de la MOPC sont l'essoufflement, la toux et la production accrue de mucus.
La recherche est fondée sur des informations provenant d'un très grand nombre de personnes. Cette étude a été présentée à la « British Thoracic Society » à Londres. L' « Imperial College » de Londres a mené les recherches et a découvert que l'exposition aux particules contenues dans les gaz d'échappement des moteurs Diesel des navires peut expliquer le risque des gens de mer à contracter la MOPC. Les données de tests de spirométrie ont été utilisées pour la recherche.
La spirométrie est un test de respiration qui mesure la fonction pulmonaire des personnes.
« Cette étude a jeté plus de lumière sur les professions spécifiques associées à un risque accru de MOPC dans la population globale du Royaume-Uni » a déclaré le Dr Sara de Matteis, la chercheuse chef de projet.
« Certaines d'entre elles étaient déjà connues tels les mineurs de charbon mais d'autres ont été récemment découvertes comme les marins et les travailleurs en nettoyage industriel » a-t-elle précisé.
Le Dr Matteis a également ajouté que ces travailleurs ont été exposés à ce risque pendant des décennies avant l'établissement de lois et règles concernant les normes industrielles et la protection induite contre ces substances toxiques. « De toutes façons, nous devons être vigilants, surveiller et réduire les degrés d'exposition à ces substances dangereuses concernant ces professions » a-t-elle conclu.
Le Dr Lisa Davies, présidente du comité exécutif de la « British Thoracic Society » avait établi que les professions concernées ont un rôle clé à jouer dans la surveillance et la promotion d'une meilleure santé pulmonaire. Cela peut inclure des tests pulmonaires, minimiser l'exposition aux produits chimiques et aussi veiller à l'établissement d'une politique de lutte contre le tabagisme. «Les professions mises en évidence dans ce rapport doivent prendre le problème à bras le corps rapidement et doivent renforcer leurs procédures appropriées» a-t-elle ajouté.
Il y a environ trois millions de personnes au Royaume Uni qui souffrent de la MOPC. Cependant, les cas signalés et les patients formellement diagnostiqués ne sont seulement qu'environ 900 000.
En 1956, il y avait pas mal de risques inconnus à l'époque ou non reconnus.