Préliminaire,
Entre 2006 et 2011, tout mon temps libre était consacré au diorama de "Mare Island".
Toutefois, il y eut de long moments d'attente entre le dessin, le flashage, les expéditions et leurs retours, bref, plein de temps morts qui m'ont laissé le temps de penser à autre chose!
En l’occurrence, l'évasion du Jean Bart de Saint-Nazaire en 1940, donc, voici le travail de la première époque sur le sujet.
Ce diorama est en sommeil depuis plusieurs années mais comme toujours, il ne dort que d'un œil!!!
_Le 19 Juin 1940, l’avancée étonnante de l’armée allemande enserre le port de St Nazaire !
Le commandant chargé de l’achèvement du Jean Bart, le CV Pierre-Jean Ronarc’h, pressentant cette catastrophe pousse au maximum l’avancement de son navire. Soutenu par le travail acharné des ouvriers du chantier naval et les services des Ponts et Chaussées (sans oublier les fournisseurs), fidèlement secondé par ses officiers et son équipage, P.J Ronarc’h est en mesure de faire appareiller le Jean Bart aux petites heures du 19 Juin.
Mais faire appareiller le Jean Bart ne se limite pas à la construction du bâtiment. Le lancement, prévu pour novembre 1940, devait laisser le temps aux ponts et chaussées d’aménager le chenal permettant la sortie, puis le passage d’un cuirassé.
Lorsque la catastrophe devient évidente, fin Mai, la sortie du bassin de radoub est loin d’être prête.
Sur la demande du commandant du J-B, l’ingénieur en chef des chantiers de la Loire, Monsieur Durepaire, se consacre au dragage du chenal. La drague D8, commandée par M. Juniet, dégage le passage. Travaillant 24h/24, l’équipage se relaye par équipes de 12 heures. Le 18, la drague D9, commandée par M. Foucher, remplace l’équipage à bout de force de la D8.
Le Jean Bart mesure 247m de long sur 33m de large. Pour le faire sortir de la forme Caquot, le navire doit s’avancer « droit devant », puis pivoter sur son cul pour embouquer le chenal de sortie. Son commandant espérait un chenal de 70m de large, double de sa largeur, et surtout un pied de pilote minimum de 1m. Le pied de pilote est la distance séparant le fond du navire du fond de la mer.
L’urgence de la situation ne lui offre qu’un chenal de 50m de large (à un endroit, il se réduit même à 45m) et surtout un pied de pilote minimum de « 40cm » !
Histoire de compliquer les choses, l’appareillage doit se faire de nuit pour profiter de la marée de pleines eaux, et le Jean Bart ne dispose d’AUCUN compas en état de marche! Il s’échoue sans dommage dans le chenal et les remorqueurs ont tôt fait de le remettre sur le bon chemin.
La suite de « l’aventure » est aussi impressionnante. Afin d’être le plus « léger » possible dans le chenal, le Jean Bart est parti les soutes presque vides. Parvenu au large, il doit s’arrêter pour mazouter auprès du pétrolier TARN et surtout réparer ses machines installées à la hâte. Le système de ventilation, incomplet, oblige les mécaniciens à travailler dans les pires conditions : près de 50 degrés dans la salle (avec des « pics » de 70 degrés à certains endroits!). De plus, l’installation précipitée des machines n’a pas permis d’avoir un plan correct des différents câblages et tuyauteries. L’équipe doit faire un relevé rapide pour réparer et la résistance humaine seule, limite le travail...
Plus tard, des changements de cap sont nécessaires pour échapper à un (ou plusieurs ?) sous-marins au large du cap Finistère.
Grâce à ce fantastique travail, le Jean Bart, cuirassé de 35000 tonnes (lège) échappe aux armées nazies et rejoint le port de Casablanca.
Le Jean Bart fut construit dans un lieu très particulier.
A Saint Nazaire en 1936, un brillant ingénieur Polytechnicien, s’appuyant sur ses propres travaux sur les palplanches, élabore une forme de construction navale regroupant un bassin de construction, une plate-forme de manœuvre pour les énormes grues de chantier et un immense bassin de radoub.
Pour la première fois, un navire achevé peut prendre la mer sans passer par l’épreuve traditionnelle du lancement sur plan incliné.
Albert CAQUOT (1881-1976), ingénieur peu connu du grand public, (mais déjà honoré en 1915 pour l’invention des ballons captifs anti-avions, les célèbres « saucisses »), imagine et crée cette structure. Spécialiste de l’aviation, A. Caquot est aussi ingénieur général des ponts et chaussées. A son actif, nombre de ponts, barrages, écluses etc. A l’âge de 80 ans, il participe à la réalisation de l’usine marée-motrice de la Rance.
Ce qui allait devenir « la Forme Caquot », puis, « la Forme Jean Bart », à St Nazaire, est encore en construction lorsque le JB est mis en chantier. La forme de radoub est achevée en 1939.
A partir de 1937, un autre engin devient célèbre. Trônant sur la travée centrale, l’immense grue Gusto, du nom des chantiers Hollandais Gusto, bat tous les records : de taille, 62m de haut pour 104m de long ; de poids, 1400 tonnes ; de capacité de levage, 240 tonnes levées à 43m de haut. A l’époque, il s’agit de l’une des plus grandes grues du monde.
Les ouvriers du chantier la rebaptisent « la grand-mère ». Cet élément du patrimoine industriel est malheureusement ferraillé en 1996 en raison d’un conflit sur les coûts d’entretien. A noter, les chantiers Gusto existent toujours à Rotterdam et sont spécialisés dans la construction des plates-formes pétrolières.
Reproduire le décor de ce drame demande beaucoup de documentation et malheureusement, en 1940, la photographie ne faisait pas partie des préoccupations de l’Amirauté Française ! Très, très, loin des milliers de photos de Mare Island, il m’a fallu me contenter de quelques plans d’époque et de rares clichés montrant soit le Jean Bart en chantier, soit la forme Caquot en chantier elle aussi, ou de photos d’après guerre.
L’écomusée de St Nazaire m’a fourni l’essentiel de ma documentation pour la forme Caquot. La gentillesse et la rapidité de leurs réponses ont été une agréable surprise. Des recherches sur internet (longues et fastidieuses) m’ont permis de combler les lacunes (et les gouffres !) qui restaient.
Les ouvrages de Robert DUMAS, consacrés aux classes « Dunkerque-Strasbourg, Richelieu- Jean Bart » étaient indispensables.
Récemment, le très beau livre de Messieurs John Jordan et Robert Dumas consacré aux « cuirassés Français» nous a remis en tête cette épopée. Les très beaux « profils » de John Jordan, joints aux deux photos de la maquette de P. Nivolon parues dans l’ouvrage de R. Dumas sur le Jean Bart, m’ont permis d’avoir une bonne idée des couleurs et de l’aspect du J-B lors de sa construction.
Bien sûr, l’admirable récit du Vice Amiral Pierre Jean Ronarc’h (1892-1960), « l’évasion du Jean Bart », a servi de base à l’ensemble.
Avec la complicité de Bruno, bgire pour les copains, effectuant la gravure des plaques de PE, j’ai essayé de reproduire cet ensemble.
Là encore, comme pour Mare Island, le travail sera long.
Le boulot principal est du scratch. La bonne machine-outil d'un ami m'a permis de matérialiser les 46 piles de béton qui servent d’assise à la travée centrale ainsi qu’au bassin des carènes, (13mm de haut sur 23.5mm de diamètre au 1/700, 16 mètres de diamètre sur 10 mètres de haut dans la réalité).
Assez de blabla, place à quelques photos. Pour commencer, l’esquisse de la forme Caquot.
La première photo montre la forme Caquot en construction. La coque sur la droite est celle du Jean Bart. La photo date d’après 1937, (la grue Gusto est déjà là), mais d’avant 1939, date d’achèvement de la forme de radoub. Le bassin profond est encore fermé par un batardeau.
La photo suivante est prise après guerre, sans doute en 1947. Quatre cargos logent dans le bassin profond. Les grues ont les pieds dans l’eau.
Le plan re dessiné et les premiers pas du chantier, seul le bassin profond entouré des piles est figuré.
Le kit qui me sert de base pour reproduire le Jean Bart est celui du Richelieu Trumpeter au 1/700.
Ce kit, TOUTES marques confondues, (et tous prix confondus!!!), est le SEUL (pour l’instant) dont les dimensions et les proportions soient correctes, vérification faite avec les plans des archives nationales. Bien sûr, il y a quelques erreurs, minimes, mais l’ensemble est très bon. Le Richelieu s’imposait puisque le JB Trumpeter représente la configuration des années 50/60.
L’état inachevé du JB m’a obligé à redessiner tous les ponts en photo-découpe, plus fine que le moulage plastique. Voici les premiers essais imprimés sur bristol pour vérifier les dimensions et les profils.
Amicalement
Jean
Dernière édition par migou31 le Jeu 24 Fév - 9:18, édité 1 fois
Entre 2006 et 2011, tout mon temps libre était consacré au diorama de "Mare Island".
Toutefois, il y eut de long moments d'attente entre le dessin, le flashage, les expéditions et leurs retours, bref, plein de temps morts qui m'ont laissé le temps de penser à autre chose!
En l’occurrence, l'évasion du Jean Bart de Saint-Nazaire en 1940, donc, voici le travail de la première époque sur le sujet.
Ce diorama est en sommeil depuis plusieurs années mais comme toujours, il ne dort que d'un œil!!!
_Le 19 Juin 1940, l’avancée étonnante de l’armée allemande enserre le port de St Nazaire !
Le commandant chargé de l’achèvement du Jean Bart, le CV Pierre-Jean Ronarc’h, pressentant cette catastrophe pousse au maximum l’avancement de son navire. Soutenu par le travail acharné des ouvriers du chantier naval et les services des Ponts et Chaussées (sans oublier les fournisseurs), fidèlement secondé par ses officiers et son équipage, P.J Ronarc’h est en mesure de faire appareiller le Jean Bart aux petites heures du 19 Juin.
Mais faire appareiller le Jean Bart ne se limite pas à la construction du bâtiment. Le lancement, prévu pour novembre 1940, devait laisser le temps aux ponts et chaussées d’aménager le chenal permettant la sortie, puis le passage d’un cuirassé.
Lorsque la catastrophe devient évidente, fin Mai, la sortie du bassin de radoub est loin d’être prête.
Sur la demande du commandant du J-B, l’ingénieur en chef des chantiers de la Loire, Monsieur Durepaire, se consacre au dragage du chenal. La drague D8, commandée par M. Juniet, dégage le passage. Travaillant 24h/24, l’équipage se relaye par équipes de 12 heures. Le 18, la drague D9, commandée par M. Foucher, remplace l’équipage à bout de force de la D8.
Le Jean Bart mesure 247m de long sur 33m de large. Pour le faire sortir de la forme Caquot, le navire doit s’avancer « droit devant », puis pivoter sur son cul pour embouquer le chenal de sortie. Son commandant espérait un chenal de 70m de large, double de sa largeur, et surtout un pied de pilote minimum de 1m. Le pied de pilote est la distance séparant le fond du navire du fond de la mer.
L’urgence de la situation ne lui offre qu’un chenal de 50m de large (à un endroit, il se réduit même à 45m) et surtout un pied de pilote minimum de « 40cm » !
Histoire de compliquer les choses, l’appareillage doit se faire de nuit pour profiter de la marée de pleines eaux, et le Jean Bart ne dispose d’AUCUN compas en état de marche! Il s’échoue sans dommage dans le chenal et les remorqueurs ont tôt fait de le remettre sur le bon chemin.
La suite de « l’aventure » est aussi impressionnante. Afin d’être le plus « léger » possible dans le chenal, le Jean Bart est parti les soutes presque vides. Parvenu au large, il doit s’arrêter pour mazouter auprès du pétrolier TARN et surtout réparer ses machines installées à la hâte. Le système de ventilation, incomplet, oblige les mécaniciens à travailler dans les pires conditions : près de 50 degrés dans la salle (avec des « pics » de 70 degrés à certains endroits!). De plus, l’installation précipitée des machines n’a pas permis d’avoir un plan correct des différents câblages et tuyauteries. L’équipe doit faire un relevé rapide pour réparer et la résistance humaine seule, limite le travail...
Plus tard, des changements de cap sont nécessaires pour échapper à un (ou plusieurs ?) sous-marins au large du cap Finistère.
Grâce à ce fantastique travail, le Jean Bart, cuirassé de 35000 tonnes (lège) échappe aux armées nazies et rejoint le port de Casablanca.
Le Jean Bart fut construit dans un lieu très particulier.
A Saint Nazaire en 1936, un brillant ingénieur Polytechnicien, s’appuyant sur ses propres travaux sur les palplanches, élabore une forme de construction navale regroupant un bassin de construction, une plate-forme de manœuvre pour les énormes grues de chantier et un immense bassin de radoub.
Pour la première fois, un navire achevé peut prendre la mer sans passer par l’épreuve traditionnelle du lancement sur plan incliné.
Albert CAQUOT (1881-1976), ingénieur peu connu du grand public, (mais déjà honoré en 1915 pour l’invention des ballons captifs anti-avions, les célèbres « saucisses »), imagine et crée cette structure. Spécialiste de l’aviation, A. Caquot est aussi ingénieur général des ponts et chaussées. A son actif, nombre de ponts, barrages, écluses etc. A l’âge de 80 ans, il participe à la réalisation de l’usine marée-motrice de la Rance.
Ce qui allait devenir « la Forme Caquot », puis, « la Forme Jean Bart », à St Nazaire, est encore en construction lorsque le JB est mis en chantier. La forme de radoub est achevée en 1939.
A partir de 1937, un autre engin devient célèbre. Trônant sur la travée centrale, l’immense grue Gusto, du nom des chantiers Hollandais Gusto, bat tous les records : de taille, 62m de haut pour 104m de long ; de poids, 1400 tonnes ; de capacité de levage, 240 tonnes levées à 43m de haut. A l’époque, il s’agit de l’une des plus grandes grues du monde.
Les ouvriers du chantier la rebaptisent « la grand-mère ». Cet élément du patrimoine industriel est malheureusement ferraillé en 1996 en raison d’un conflit sur les coûts d’entretien. A noter, les chantiers Gusto existent toujours à Rotterdam et sont spécialisés dans la construction des plates-formes pétrolières.
Reproduire le décor de ce drame demande beaucoup de documentation et malheureusement, en 1940, la photographie ne faisait pas partie des préoccupations de l’Amirauté Française ! Très, très, loin des milliers de photos de Mare Island, il m’a fallu me contenter de quelques plans d’époque et de rares clichés montrant soit le Jean Bart en chantier, soit la forme Caquot en chantier elle aussi, ou de photos d’après guerre.
L’écomusée de St Nazaire m’a fourni l’essentiel de ma documentation pour la forme Caquot. La gentillesse et la rapidité de leurs réponses ont été une agréable surprise. Des recherches sur internet (longues et fastidieuses) m’ont permis de combler les lacunes (et les gouffres !) qui restaient.
Les ouvrages de Robert DUMAS, consacrés aux classes « Dunkerque-Strasbourg, Richelieu- Jean Bart » étaient indispensables.
Récemment, le très beau livre de Messieurs John Jordan et Robert Dumas consacré aux « cuirassés Français» nous a remis en tête cette épopée. Les très beaux « profils » de John Jordan, joints aux deux photos de la maquette de P. Nivolon parues dans l’ouvrage de R. Dumas sur le Jean Bart, m’ont permis d’avoir une bonne idée des couleurs et de l’aspect du J-B lors de sa construction.
Bien sûr, l’admirable récit du Vice Amiral Pierre Jean Ronarc’h (1892-1960), « l’évasion du Jean Bart », a servi de base à l’ensemble.
Avec la complicité de Bruno, bgire pour les copains, effectuant la gravure des plaques de PE, j’ai essayé de reproduire cet ensemble.
Là encore, comme pour Mare Island, le travail sera long.
Le boulot principal est du scratch. La bonne machine-outil d'un ami m'a permis de matérialiser les 46 piles de béton qui servent d’assise à la travée centrale ainsi qu’au bassin des carènes, (13mm de haut sur 23.5mm de diamètre au 1/700, 16 mètres de diamètre sur 10 mètres de haut dans la réalité).
Assez de blabla, place à quelques photos. Pour commencer, l’esquisse de la forme Caquot.
La première photo montre la forme Caquot en construction. La coque sur la droite est celle du Jean Bart. La photo date d’après 1937, (la grue Gusto est déjà là), mais d’avant 1939, date d’achèvement de la forme de radoub. Le bassin profond est encore fermé par un batardeau.
La photo suivante est prise après guerre, sans doute en 1947. Quatre cargos logent dans le bassin profond. Les grues ont les pieds dans l’eau.
Le plan re dessiné et les premiers pas du chantier, seul le bassin profond entouré des piles est figuré.
Le kit qui me sert de base pour reproduire le Jean Bart est celui du Richelieu Trumpeter au 1/700.
Ce kit, TOUTES marques confondues, (et tous prix confondus!!!), est le SEUL (pour l’instant) dont les dimensions et les proportions soient correctes, vérification faite avec les plans des archives nationales. Bien sûr, il y a quelques erreurs, minimes, mais l’ensemble est très bon. Le Richelieu s’imposait puisque le JB Trumpeter représente la configuration des années 50/60.
L’état inachevé du JB m’a obligé à redessiner tous les ponts en photo-découpe, plus fine que le moulage plastique. Voici les premiers essais imprimés sur bristol pour vérifier les dimensions et les profils.
Amicalement
Jean
Dernière édition par migou31 le Jeu 24 Fév - 9:18, édité 1 fois