Deux phares s'allumèrent « opportunément » sur la côte pour faire entrer dans la passe un bâtiment anglais,
ce qui permit à Prien de faire le point.
L'U-47 n'en commença pas moins par se fourvoyer et prendre une mauvaise direction manquant être drossé à la côte.
Il changea de cap in extremis et se présenta enfin sans dommage devant l'entrée repérée
sur les photographies aériennes. Un léger incident manqua compromettre l'entreprise. L'U-Boote accrocha
par le ventre à la chaîne d'un blockship. Il se mit par le travers. Prien fit aussitôt chasser aux ballasts et,
au bout de longues minutes angoissantes, parvint à dégager le bâtiment en utilisant,à pleine puissance,
les deux moteurs électriques. Il put annoncer à l'équipage que l'U-47 venait de pénétrer dans l'antre inviolable
de la Royal Navy.Une première.
Le sous-marin était si près de la côte que pendant de longues minutes les phares d'une voiture à terre
balayèrent le kiosque, obligeant Prien à remettre en marche les moteurs Diesel pour échapper plus vite à leurs faisceaux.
L'inquiétude avait été forte, mais l'U-47 ne fut pas repéré et mit cap à l'ouest pour explorer en surface la rade.
Grande désillusion, elle était vide !
Depuis le 10 octobre, la Home Fleet avait changé de mouillage pour prévenir une attaque aérienne à la suite
des deux reconnaissances allemandes des jours précédents, sans compter qu'une partie des bâtiments était dispersée
en mer du Nord pour prendre en chasse le Gneisenau.
Prien fit demi-tour et remonta vers le Nord.
Il finit par découvrir à 3 000 mètres deux grands bâtiments tous feux éteints. Il s'agissait du bâtiment auxiliaire Pegasus
— un vieux ravitailleur d'hydravions transformé en transport — et du Royal Oak, un cuirassé vétéran de la Première Guerre mondiale.
Les deux bâtiments avaient été laissés en arrière par la Home Fleet pour réparer des avaries légères et
devaient appareiller le lendemain pour la rejoindre dans le Loch Etve.
Le cuirasse Royal Oak
L'U-47 se mit en position d'attaque et, à 1 h 16, lança une première salve de trois torpilles qui filèrent 30 noeuds
vers leurs objectifs :
une sur le bâtiment le plus au nord ;
deux sur celui du sud.
Une seule des torpilles explosa. Elle toucha la chaîne de l'étrave du bâtiment le plus proche, le Royal Oak,
ne provoquant qu'une légère secousse à bord du cuirassé où l'équipage ne se réveilla même pas.
L'alerte ne fut pas donnée.
Aussitôt Prien fit recharger les tubes.Il effectua une grande boucle pour prononcer une seconde attaque
contre le bâtiment déjà touché et,un quart d'heure plus tard, une nouvelle salve de trois torpilles était lancée
contre le Royal Oak.Cette fois,elle fut dévastatrice :
une première torpille explosa à la hauteur du télépointeur,
une deuxième sur l'avant du grand mât et
la troisième sous le poste des fusiliers marins.
La rade se réveilla en sursaut et connut instantanément une très grande effervescence.
Dix-sept minutes après l'impact de la troisième torpille,le cuirassé chavira et coula par 30 mètres de fond,
entraînant dans la mort vingt-quatre officiers et huit cent neuf hommes d'équipage.