Salut à tous,
Aujourd'hui Cher Andy je vais suivre la piste de la Méduse.
Après avoir beaucoup lu et potassé le sujet, j'en ai tiré une synthèse.
Presque un roman.
Lisez donc chers lecteurs l' histoire que je raconte:
Histoire de la Méduse.
Au départ c’est l’histoire d’une superbe frégate trois mâts Française armée de 45 canons. C’est la plus rapide des frégates. Sa réputation a fait le tour des ports.
Napoléon lui accorde toute son attention personnelle, car il compte bien l’utiliser pour se rendre en Amérique.
Son empire est à terre et il doit se rendre aux coalisés. La Méduse l’attend à Rochefort, équipage au complet.
Malheureusement, les Anglais ont de bons espions. La frégate Anglaise Agamemnon tourne au large, avec la ferme intention de la stopper. Napoléon renonce et abdique.
Nous sommes à la restauration, et les Anglais rendent le Sénégal à la France. C’est bien, mais compliqué de réoccuper un Pays. Il faut un gouverneur, une armée, des fonctionnaires, du matériel. Donc au moins une division de quatre navires pour transporter tout ça.
On organise donc l’expédition.
Le 17 juin 1816, la corvette l’Echo, la flûte La Loire et le Brick l’Argus sortent de Rochefort accompagnant la Méduse sous les ordres du capitaine de frégate Duroy de Chaumareys. A bord le futur gouverneur Schmaltz réfléchit déjà comment organiser tout son petit monde au Sénégal.
Tout va bien, les navires vont à bonne allure afin de suivre la Méduse qui file littéralement.
Pourtant à son bord les officiers murmurent en voyant leur capitaine.
Le problème est que Chaumareys n’a pas navigué depuis 25 ans. Il revient tout juste d’Angleterre où il s’était réfugié pendant la révolution . A 51 ans, Royaliste jusqu’au bout des ongles il ne tient aucun compte des progrès réalisés dans le domaine maritime. Les cartes qu’il utilise sont complètement fausses ou incomplètes . On lui en fait délicatement la remarque. Il prend un air hautain. Peu importe le temps est superbe, les vents favorables. Et même si les cartes sont fausses, on fera attention au terrible banc de sable d’Arguin qu’il sera facile d’éviter en sondant.
Chaumareys fait longer les côtes d’Afrique sans tenir compte des conseils de ses officiers. Il est sûr de lui. De toutes façons pour l’instant la Méduse se tient bien au large en haute mer.
Mais il ya ses navires se traînant loin derrière lui, sauf la corvette l’Echo se maintenant dans son sillage.
Chaumareys décide brusquement de couper au plus court. Pourquoi attendre, alors qu’il existe un passage pour rejoindre le Sénégal à travers le banc d’Arguin ?.
Cap au sud ouest. Hissez la grand voile.
L’équipage s’exécute avec application.
l’Echo suit avec réticence.
Les officiers se regardent abasourdis. Ils protestent en cœur :
–– Attention au banc d’Arguin !.
Le capitaine les toise d’un air satisfait.
— Du calme messieurs, nous ralentirons l’allure bien avant et par cette mer magnifique nous sonderons.
C’est vrai que l’eau est limpide. Mais la méduse à depuis longtemps lâché la Loire et l’Argus ayant suivi la route la plus sûre.
Et le 3 juillet on arrive au niveau du fameux banc d’Arguin.
Chaumareys regarde ses cartes. Il engage lentement son navire sur bâbord.
— A sonder !
On se précipite à la manœuvre.
— Combien ?.
— Cinquante brasses sous la quille.
A ce moment l’Echo au loin qui a également sondé, estime que c’est trop peu et fait demi tour.
Voyant cela les officiers s’inquiètent.
Chaumareys ordonne de continuer, mais en sondant en permanence.
De sondage en sondage le fond disparaît.
Chaumareys est persuadé d’avoir son passage.
— Cap au sud, sud ouest petites voiles sur Portendick.
La méduse poursuit sur des eaux calmes et transparentes.
On sonde toujours. Une demi heure plus tard, le capitaine vient aux nouvelles.
— Toujours pas de fond ?. demande Chaumareys.
— Non, mon capitaine.
— Bon faites petites voiles, on cesse de sonder pendant quelques temps.
C’est vrai que ces empannages prennent un temps fou. Chaumareys veut abréger. Surtout que la sonde ne touche plus.
Une demi heure se passe.
Soudain à l’avant l’enseigne Maudet trouve que l’eau est trouble. Il demande l’autorisation de Sonder.
Refus net de Chaumareys.
— Plus tard. Il faut faire route.
Maudet convaincu de son pressentiment fait sonder quand même.
Chaumareys intrigué de l’arrêt de la Méduse monte sur le pont.
A ce moment il y a six brasses sous la quille !.
On tente une manœuvre désespérée, mais le navire glisse sur le sable en 3 chocs et s’immobilise.
Chaumareys décomposé demande alors :
— Ou en est la marée ?.
— Pleine !.
On ne peut pas faire pire. A marée haute !. Par 19°54’ et 19°24’la Méduse s’est échouée sur le fameux banc d’Arguin.
Mais Chaumareys est persuadé que ce n’est qu’un incident. L’histoire fut à deux doigts (je devrais dire à 2 brasses) de lui donner raison.
Chaumareys qui ne manque pas d’initiative à pour lui le beau temps. Il commence d’abord par faire mouiller l’ancre de bossoir le plus loin possible à l’aide la chaloupe et déplacer le navire au cabestan .Mais l’ancre croche mal dans le sable et dérape. La Méduse ne bouge pas.
Il fait alors construire un grand radeau de 20 mètres sur sept pour soulager la charge du navire. Il est rapidement terminé, et l’on charge au maximum. Et là au miracle !. La Méduse décolle du sable !.
L’ancre croche bien et on s’active à la manœuvre. Le navire glisse lentement vers les grands fonds salvateurs.
Mais il aurait fallu faire l’opération plus tôt, car la marée descend déjà. La Méduse retouche le sable.
— Pas grave on attendra la prochaine marée. Lance le capitaine.
Mais l’histoire est mauvaise pour Chaumareys. Le temps change brusquement.
Une tempête se lève. De fortes lames s’abattent sur la Méduse. Elle tape sur les hauts fonds. Le gouvernail saute. Les ferrures arrachent le bois. La mer se rue dans le navire.
Chaumareys est sidéré. Le navire ne peut pas couler, mais il est perdu.
Impossible de rester sur la Méduse à moitié remplie d’eau !.
On s’organise. Chaumareys fait les comptes. 400 personnes à bord. Contenance des chaloupes 200 personnes maximum !
Comment faire ?.
Mais oui bien sûr, le radeau !.
Chaumareys ordonne l’évacuation. Pour la simplifier :
Les officiers, le gouverneur et les passagers avec lui dans les canots.
Les hommes de troupe et les marins sur le radeau (avec quand même quelques officiers pour maintenir l’ordre).
Chaumareys prudent, embarque avec son monde dans son canot (quand même bien chargé) et surveille les opérations de loin.
Des soldats à bord le huent et le visent avec leurs fusils. Seul
Le sous lieutenant Praviel parvient à les calmer.
L’embarquement continue. On charge au maximum les embarcations.
Le problème est que le radeau s’enfonce de plus en plus. Il y a tellement de monde dessus, que chacun est obligé de se tenir droit comme un i. Environ 150 personnes s’y trouvent avec de l’eau jusqu’aux genoux. Sans compter les barriques d’eau et de vin et quelques biscuits (on a oublié la farine).
Chaumareys ordonne que les chaloupes remorquent le radeau.
Tout le monde quitte la Méduse sauf 17 hommes, restés à bord préférant attendre les secours.
Au début les chaloupes remorquent le radeau, mais on a beau souquer ferme, la charge est trop lourde. Spectacle étrange que ce radeau dont on ne voit que la masse humaine figée dans les vagues !.
Chaumareys regarde tout cela avec consternation. Si on continue ainsi personne ne s’en sortira. Il ordonne l’impensable.
On largue subrepticement les amarres et on file sous les yeux des 150 médusés !.
Les officiers dans les chaloupes restent sourds aux cris. Il sera toujours temps de revenir les chercher..
Les naufragés du radeau voient donc les chaloupes disparaître à l’horizon. Le problème est que la mer n’est pas calme..
Les hommes sur le bord du radeau ont de l’eau jusqu’au ventre. Au centre ils en ont jusqu’aux chevilles, mais les pièces de bois s’écartent et roulent avec les lames. Des jambes sont broyées pendant la nuit. A l’aube 20 personnes ont disparu. Voyant cela un matelot et 2 mousses se jettent à l’eau. Les soldats persuadés d’avoir étés trahis fomentent une rébellion.
La nuit suivante, ils commencent par se saouler avec une barrique de vin, puis veulent couper les liens du radeau. Savigny le chirurgien et quelques officiers interviennent armes à la main. S’ensuit un véritable carnage qui durera toute la nuit. A l’aube on compte plus de 63 cadavres.
Plus grave que tout, les mutins ont jeté à la mer toute les réserves sauf une barrique de vin et une autre d’eau douce.
Il va falloir réduire encore le rationnement. Le soleil tape sur les corps dénudés et affamés. On regarde les cadavres entassés le long du bord. Tout à coup quelqu’un se jette sur un cadavre et découpe sa chair avec ses dents. Un murmure horrifié monte de l’assistance. Puis un autre coupe une gorge pour boire son sang avec avidité. Bientôt tous les naufragés, à l’exception des officiers et de Savigny se repaissent des cadavres. Ils font sécher au soleil des lambeaux de chair afin de les rendre plus comestibles. Bientôt le radeau se couvre de pièces de bois pointées vers le soleil. Dessus d’abominables trophées vont servir de repas. Subissant cette horreur les plus fragiles se suicident, d’autres se mutinent. De nouveau cadavres jonchent le radeau.
A l’aube de la quatrième nuit, il ne reste plus que 27 personnes à bord.
Presque tout le monde est blessé. Certains sont devenus fou.
Une terrible décision est prise. Pour sauver les plus valides, on jette à la mer les plus atteints.
15 personnes restent à bord. 15 sur 150 !.
On défait les liens du radeau pour en faire un autre plus élevé sur l’eau. Les 15 sont enfin au sec, mais le fait de ne plus tremper dans la mer rend la soif terrible.
Le 17 juillet après 13 jours sur le radeau, une voile paraît à l’horizon. C’est l’Argus cherchant les survivants. Mais le sort s’acharne encore.
Malgré leurs signaux désespérés avec des loques, l’Argus passe sans les voir. Heureusement pour eux il revient quelques heures plus tard et les recueille enfin !.
Tout le reste peu se résumer ainsi :
Chaumareys et le gouverneur sont tranquillement arrivés à Saint Louis grâce à une boussole. L’Echo va récupérer un groupe de canot, tandis qu’un autre groupe va aborder la côte et subir une terrible aventure dans le désert et finir prisonnier des Maures. Certains vont mourir, les autres finiront tous par être récupérés en partie grâce aux Anglais.
Mais le plus fascinant reste le sort des 17 restés à bord de la Méduse. Au départ on ne se presse pas pour les récupérer. Après tout le navire est stabilisé et ils ont de la nourriture pour au moins 26 jours. Priorité aux autres. Après avoir récupéré l’ensemble des naufragés on pense enfin à eux. L’Argus allégé volontairement part en direction de la Méduse, mais une terrible tempête l’oblige à renoncer. La tempête dure longtemps et 3 fois l’Argus doit abandonner. Enfin une éclaircie permet de s’approcher au plus près. A bord on découvre un spectacle dantesque. Sur 17 hommes il n’en reste que trois réfugiés dans les recoins du navire, affamés et complètement fous. Que s’est-il passé ?.
Les prévisions étaient justes. Pendant 26 jours, les survivants n’ont manqué de rien. Eau et nourriture. Ils fallait juste supporter la mer envahissant le navire à marée haute, ou les chocs incessants de la houle sur la coque. Mais progressivement la Méduse s’enfonçait dans le sable et se stabilisait. Après 30 jours à bord on commença à s’inquiéter.
12 hommes décident alors que ça assez duré. Personne ne viendra plus. Il faut construire un radeau pour rejoindre la terre (quand même distante de 160 kms). Une fois le radeau construit, les 12 embarquent.
On se dit au revoir au loin. Voyant cela, un homme utilise la cage à poules comme embarcation pour les rejoindre et se noie presque immédiatement !. Du radeau on n’entendra plus jamais parler. Seuls quelques espars en seront retrouvés le long des côtes de Mauritanie.
Reste 4 hommes à bord. Bientôt 3. Au bout de 52 jours ils sont fous et mangent le cuir des lanières et des chaussures. Il se jettent les uns sur les autres comme des animaux.
De retour à terre on fait les comptes.
Sur 396 personnes de la Méduse, 160 sont mortes ou disparues.
L'affaire fait grand bruit, surtout qu’un jeune peintre Géricault Immortalise le radeau de la Méduse.
La justice se tourne alors vers Chaumareys. On lui enlève ses titres maritimes et le droit de servir. Il échappe de peu à la peine de mort et est condamné à 3 ans de prison.
Surcouf-AD 2010
Aujourd'hui Cher Andy je vais suivre la piste de la Méduse.
Après avoir beaucoup lu et potassé le sujet, j'en ai tiré une synthèse.
Presque un roman.
Lisez donc chers lecteurs l' histoire que je raconte:
Histoire de la Méduse.
Au départ c’est l’histoire d’une superbe frégate trois mâts Française armée de 45 canons. C’est la plus rapide des frégates. Sa réputation a fait le tour des ports.
Napoléon lui accorde toute son attention personnelle, car il compte bien l’utiliser pour se rendre en Amérique.
Son empire est à terre et il doit se rendre aux coalisés. La Méduse l’attend à Rochefort, équipage au complet.
Malheureusement, les Anglais ont de bons espions. La frégate Anglaise Agamemnon tourne au large, avec la ferme intention de la stopper. Napoléon renonce et abdique.
Nous sommes à la restauration, et les Anglais rendent le Sénégal à la France. C’est bien, mais compliqué de réoccuper un Pays. Il faut un gouverneur, une armée, des fonctionnaires, du matériel. Donc au moins une division de quatre navires pour transporter tout ça.
On organise donc l’expédition.
Le 17 juin 1816, la corvette l’Echo, la flûte La Loire et le Brick l’Argus sortent de Rochefort accompagnant la Méduse sous les ordres du capitaine de frégate Duroy de Chaumareys. A bord le futur gouverneur Schmaltz réfléchit déjà comment organiser tout son petit monde au Sénégal.
Tout va bien, les navires vont à bonne allure afin de suivre la Méduse qui file littéralement.
Pourtant à son bord les officiers murmurent en voyant leur capitaine.
Le problème est que Chaumareys n’a pas navigué depuis 25 ans. Il revient tout juste d’Angleterre où il s’était réfugié pendant la révolution . A 51 ans, Royaliste jusqu’au bout des ongles il ne tient aucun compte des progrès réalisés dans le domaine maritime. Les cartes qu’il utilise sont complètement fausses ou incomplètes . On lui en fait délicatement la remarque. Il prend un air hautain. Peu importe le temps est superbe, les vents favorables. Et même si les cartes sont fausses, on fera attention au terrible banc de sable d’Arguin qu’il sera facile d’éviter en sondant.
Chaumareys fait longer les côtes d’Afrique sans tenir compte des conseils de ses officiers. Il est sûr de lui. De toutes façons pour l’instant la Méduse se tient bien au large en haute mer.
Mais il ya ses navires se traînant loin derrière lui, sauf la corvette l’Echo se maintenant dans son sillage.
Chaumareys décide brusquement de couper au plus court. Pourquoi attendre, alors qu’il existe un passage pour rejoindre le Sénégal à travers le banc d’Arguin ?.
Cap au sud ouest. Hissez la grand voile.
L’équipage s’exécute avec application.
l’Echo suit avec réticence.
Les officiers se regardent abasourdis. Ils protestent en cœur :
–– Attention au banc d’Arguin !.
Le capitaine les toise d’un air satisfait.
— Du calme messieurs, nous ralentirons l’allure bien avant et par cette mer magnifique nous sonderons.
C’est vrai que l’eau est limpide. Mais la méduse à depuis longtemps lâché la Loire et l’Argus ayant suivi la route la plus sûre.
Et le 3 juillet on arrive au niveau du fameux banc d’Arguin.
Chaumareys regarde ses cartes. Il engage lentement son navire sur bâbord.
— A sonder !
On se précipite à la manœuvre.
— Combien ?.
— Cinquante brasses sous la quille.
A ce moment l’Echo au loin qui a également sondé, estime que c’est trop peu et fait demi tour.
Voyant cela les officiers s’inquiètent.
Chaumareys ordonne de continuer, mais en sondant en permanence.
De sondage en sondage le fond disparaît.
Chaumareys est persuadé d’avoir son passage.
— Cap au sud, sud ouest petites voiles sur Portendick.
La méduse poursuit sur des eaux calmes et transparentes.
On sonde toujours. Une demi heure plus tard, le capitaine vient aux nouvelles.
— Toujours pas de fond ?. demande Chaumareys.
— Non, mon capitaine.
— Bon faites petites voiles, on cesse de sonder pendant quelques temps.
C’est vrai que ces empannages prennent un temps fou. Chaumareys veut abréger. Surtout que la sonde ne touche plus.
Une demi heure se passe.
Soudain à l’avant l’enseigne Maudet trouve que l’eau est trouble. Il demande l’autorisation de Sonder.
Refus net de Chaumareys.
— Plus tard. Il faut faire route.
Maudet convaincu de son pressentiment fait sonder quand même.
Chaumareys intrigué de l’arrêt de la Méduse monte sur le pont.
A ce moment il y a six brasses sous la quille !.
On tente une manœuvre désespérée, mais le navire glisse sur le sable en 3 chocs et s’immobilise.
Chaumareys décomposé demande alors :
— Ou en est la marée ?.
— Pleine !.
On ne peut pas faire pire. A marée haute !. Par 19°54’ et 19°24’la Méduse s’est échouée sur le fameux banc d’Arguin.
Mais Chaumareys est persuadé que ce n’est qu’un incident. L’histoire fut à deux doigts (je devrais dire à 2 brasses) de lui donner raison.
Chaumareys qui ne manque pas d’initiative à pour lui le beau temps. Il commence d’abord par faire mouiller l’ancre de bossoir le plus loin possible à l’aide la chaloupe et déplacer le navire au cabestan .Mais l’ancre croche mal dans le sable et dérape. La Méduse ne bouge pas.
Il fait alors construire un grand radeau de 20 mètres sur sept pour soulager la charge du navire. Il est rapidement terminé, et l’on charge au maximum. Et là au miracle !. La Méduse décolle du sable !.
L’ancre croche bien et on s’active à la manœuvre. Le navire glisse lentement vers les grands fonds salvateurs.
Mais il aurait fallu faire l’opération plus tôt, car la marée descend déjà. La Méduse retouche le sable.
— Pas grave on attendra la prochaine marée. Lance le capitaine.
Mais l’histoire est mauvaise pour Chaumareys. Le temps change brusquement.
Une tempête se lève. De fortes lames s’abattent sur la Méduse. Elle tape sur les hauts fonds. Le gouvernail saute. Les ferrures arrachent le bois. La mer se rue dans le navire.
Chaumareys est sidéré. Le navire ne peut pas couler, mais il est perdu.
Impossible de rester sur la Méduse à moitié remplie d’eau !.
On s’organise. Chaumareys fait les comptes. 400 personnes à bord. Contenance des chaloupes 200 personnes maximum !
Comment faire ?.
Mais oui bien sûr, le radeau !.
Chaumareys ordonne l’évacuation. Pour la simplifier :
Les officiers, le gouverneur et les passagers avec lui dans les canots.
Les hommes de troupe et les marins sur le radeau (avec quand même quelques officiers pour maintenir l’ordre).
Chaumareys prudent, embarque avec son monde dans son canot (quand même bien chargé) et surveille les opérations de loin.
Des soldats à bord le huent et le visent avec leurs fusils. Seul
Le sous lieutenant Praviel parvient à les calmer.
L’embarquement continue. On charge au maximum les embarcations.
Le problème est que le radeau s’enfonce de plus en plus. Il y a tellement de monde dessus, que chacun est obligé de se tenir droit comme un i. Environ 150 personnes s’y trouvent avec de l’eau jusqu’aux genoux. Sans compter les barriques d’eau et de vin et quelques biscuits (on a oublié la farine).
Chaumareys ordonne que les chaloupes remorquent le radeau.
Tout le monde quitte la Méduse sauf 17 hommes, restés à bord préférant attendre les secours.
Au début les chaloupes remorquent le radeau, mais on a beau souquer ferme, la charge est trop lourde. Spectacle étrange que ce radeau dont on ne voit que la masse humaine figée dans les vagues !.
Chaumareys regarde tout cela avec consternation. Si on continue ainsi personne ne s’en sortira. Il ordonne l’impensable.
On largue subrepticement les amarres et on file sous les yeux des 150 médusés !.
Les officiers dans les chaloupes restent sourds aux cris. Il sera toujours temps de revenir les chercher..
Les naufragés du radeau voient donc les chaloupes disparaître à l’horizon. Le problème est que la mer n’est pas calme..
Les hommes sur le bord du radeau ont de l’eau jusqu’au ventre. Au centre ils en ont jusqu’aux chevilles, mais les pièces de bois s’écartent et roulent avec les lames. Des jambes sont broyées pendant la nuit. A l’aube 20 personnes ont disparu. Voyant cela un matelot et 2 mousses se jettent à l’eau. Les soldats persuadés d’avoir étés trahis fomentent une rébellion.
La nuit suivante, ils commencent par se saouler avec une barrique de vin, puis veulent couper les liens du radeau. Savigny le chirurgien et quelques officiers interviennent armes à la main. S’ensuit un véritable carnage qui durera toute la nuit. A l’aube on compte plus de 63 cadavres.
Plus grave que tout, les mutins ont jeté à la mer toute les réserves sauf une barrique de vin et une autre d’eau douce.
Il va falloir réduire encore le rationnement. Le soleil tape sur les corps dénudés et affamés. On regarde les cadavres entassés le long du bord. Tout à coup quelqu’un se jette sur un cadavre et découpe sa chair avec ses dents. Un murmure horrifié monte de l’assistance. Puis un autre coupe une gorge pour boire son sang avec avidité. Bientôt tous les naufragés, à l’exception des officiers et de Savigny se repaissent des cadavres. Ils font sécher au soleil des lambeaux de chair afin de les rendre plus comestibles. Bientôt le radeau se couvre de pièces de bois pointées vers le soleil. Dessus d’abominables trophées vont servir de repas. Subissant cette horreur les plus fragiles se suicident, d’autres se mutinent. De nouveau cadavres jonchent le radeau.
A l’aube de la quatrième nuit, il ne reste plus que 27 personnes à bord.
Presque tout le monde est blessé. Certains sont devenus fou.
Une terrible décision est prise. Pour sauver les plus valides, on jette à la mer les plus atteints.
15 personnes restent à bord. 15 sur 150 !.
On défait les liens du radeau pour en faire un autre plus élevé sur l’eau. Les 15 sont enfin au sec, mais le fait de ne plus tremper dans la mer rend la soif terrible.
Le 17 juillet après 13 jours sur le radeau, une voile paraît à l’horizon. C’est l’Argus cherchant les survivants. Mais le sort s’acharne encore.
Malgré leurs signaux désespérés avec des loques, l’Argus passe sans les voir. Heureusement pour eux il revient quelques heures plus tard et les recueille enfin !.
Tout le reste peu se résumer ainsi :
Chaumareys et le gouverneur sont tranquillement arrivés à Saint Louis grâce à une boussole. L’Echo va récupérer un groupe de canot, tandis qu’un autre groupe va aborder la côte et subir une terrible aventure dans le désert et finir prisonnier des Maures. Certains vont mourir, les autres finiront tous par être récupérés en partie grâce aux Anglais.
Mais le plus fascinant reste le sort des 17 restés à bord de la Méduse. Au départ on ne se presse pas pour les récupérer. Après tout le navire est stabilisé et ils ont de la nourriture pour au moins 26 jours. Priorité aux autres. Après avoir récupéré l’ensemble des naufragés on pense enfin à eux. L’Argus allégé volontairement part en direction de la Méduse, mais une terrible tempête l’oblige à renoncer. La tempête dure longtemps et 3 fois l’Argus doit abandonner. Enfin une éclaircie permet de s’approcher au plus près. A bord on découvre un spectacle dantesque. Sur 17 hommes il n’en reste que trois réfugiés dans les recoins du navire, affamés et complètement fous. Que s’est-il passé ?.
Les prévisions étaient justes. Pendant 26 jours, les survivants n’ont manqué de rien. Eau et nourriture. Ils fallait juste supporter la mer envahissant le navire à marée haute, ou les chocs incessants de la houle sur la coque. Mais progressivement la Méduse s’enfonçait dans le sable et se stabilisait. Après 30 jours à bord on commença à s’inquiéter.
12 hommes décident alors que ça assez duré. Personne ne viendra plus. Il faut construire un radeau pour rejoindre la terre (quand même distante de 160 kms). Une fois le radeau construit, les 12 embarquent.
On se dit au revoir au loin. Voyant cela, un homme utilise la cage à poules comme embarcation pour les rejoindre et se noie presque immédiatement !. Du radeau on n’entendra plus jamais parler. Seuls quelques espars en seront retrouvés le long des côtes de Mauritanie.
Reste 4 hommes à bord. Bientôt 3. Au bout de 52 jours ils sont fous et mangent le cuir des lanières et des chaussures. Il se jettent les uns sur les autres comme des animaux.
De retour à terre on fait les comptes.
Sur 396 personnes de la Méduse, 160 sont mortes ou disparues.
L'affaire fait grand bruit, surtout qu’un jeune peintre Géricault Immortalise le radeau de la Méduse.
La justice se tourne alors vers Chaumareys. On lui enlève ses titres maritimes et le droit de servir. Il échappe de peu à la peine de mort et est condamné à 3 ans de prison.
Surcouf-AD 2010