Super-dreadnoughts
Moins de cinq années après le lancement du Dreadnought, une nouvelle génération de "super-dreadnoughts" plus puissante fut construite. La classe Orion est souvent considérée comme la première classe de super-dreadnoughts. Le terme "super" provient de l'augmentation de
2 000 tonnes du déplacement associée à l'installation de canons de 343 mm au centre du navire doublant ainsi la puissance de la bordée.
HMS Orion
Les super-dreadnoughts furent rapidement adoptés par d'autres nations. La classe américaine New York lancée en 1911 emportait des canons de 356 mm qui devinrent le standard. Ce calibre fut également utilisé par les classes japonaises Fusō et Ise. La classe Nagato fut la première à utiliser des canons de 406 mm faisant d'elle la classe la plus puissante au monde.
En France, les navires de la classe Courbet furent suivis par ceux de la classe Bretagne équipés de canons de 340 mm ; cinq autres navires de la classe Normandie furent annulés en 1914. Les dreadnoughts brésiliens déclenchèrent une course aux armements de petite échelle en Amérique du Sud lorsque le Chili et l'Argentine commandèrent chacun deux super-dreadnoughts aux chantiers navals américains et britanniques. Les cuirassés argentins ARA Rivadavia et ARA Moreno possédaient le même armement que les dreadnoughts brésiliens mais ils étaient plus lourds et mieux blindés. Les deux cuirassés commandés par le Chili furent achetés par le Royaume-Uni lors du déclenchement de la Première Guerre mondiale. Seul l'Almirante Latorre fut finalement racheté par le Chili en 1920.
Les derniers super-dreadnoughts britanniques, ceux de la classe Queen Elizabeth, perdirent une tourelle, ce qui permit d'utiliser la masse économisée pour agrandir les chaudières. Les nouveaux canons de 381 mm offraient une plus grande puissance de feu malgré la perte d'une tourelle et le blindage fut renforcé. Les navires de cette classe pouvaient atteindre 46 km/h, une vitesse remarquable pour des navires de cette taille. Ils sont parfois considérés comme des cuirassés rapides.
La faiblesse des super-dreadnoughts résidait dans la disposition du blindage, ce qui les distingue des conceptions de l'après-guerre. Ces navires pouvaient engager l'ennemi à une distance de 18 km mais étaient vulnérables aux obus plongeants. Les navires de l'après-guerre possédaient un pont blindé d'une épaisseur de 140 mm pour s'en prémunir. Le manque de protection sous-marine a également été une faiblesse de ces modèles d'avant-guerre qui ont été élaborés lorsque la menace des torpilles étaient limitée.
Le HMS Audacious en train de couler après avoir touché une mine, octobre 1914
Les super-dreadnoughts américains, commençant avec la classe Nevada, furent conçus pour des engagements à longue distance et prenant en compte le danger des obus arrivant par le haut. Lancés en 1912, quatre années avant que la bataille du Jutland n'apprenne aux marines européennes les dangers des trajectoires paraboliques. Le blindage 'tout-ou-rien' est une caractéristique majeure de ces navires. Cette conception prouva son efficacité pendant la bataille navale de Guadalcanal en 1942. Malgré 26 impacts d'obus de gros calibres, la ceinture blindée garante de la flottabilité demeura intacte, permettant à l' USS South Dakota gravement endommagé de s'échapper.
Au combat
La Première Guerre mondiale fut presque une déception pour les grandes flottes de dreadnoughts. En effet, il n'y eu pas de confrontation décisive entre deux flottes modernes comme ce fut le cas durant la bataille de Tsushima. Le rôle des cuirassés fut marginal par rapport aux combats terrestres en France et en Russie mais également dans le cadre de la bataille de l'Atlantique.
Grâce à la géographie, la Royal Navy pouvait facilement bloquer la Hochseeflotte allemande dans la mer du Nord mais sans pouvoir vaincre la supériorité allemande en mer Baltique. Les deux camps savaient qu'à cause du plus grand nombre de cuirassés britanniques, un engagement total entraînerait la victoire de la Royal Navy. La stratégie allemande était donc de provoquer une bataille en des termes favorables : soit en poussant une partie de la Grand Fleet à combattre seule soit en provoquant une confrontation à proximité des côtes allemandes où les champs de mines, les torpilleurs et les sous-marins pourraient participer à la bataille.
Durant les deux premières années, le conflit en mer du Nord se limita à des escarmouches entre des croiseurs comme durant les batailles du Heligoland ou du Dogger Bank et à des raids sur les côtes britanniques. Pendant l'été 1916, une nouvelle tentative pour attirer la flotte britannique provoqua la confrontation des deux flottes : La bataille du Jutland. La bataille fut indécise mais, stratégiquement, ce fut une victoire britannique car la Hochseeflotte ne mena plus aucune mission militaire jusqu'à la fin de la guerre.
Sur les autres théâtres navals, il n'y eut pas non plus de bataille décisive. Dans la mer Noire, il n'y eut que des escarmouches entre les cuirassés russes et turcs. En mer Baltique, les actions se limitèrent à l'assaut de convois et au mouillage de mines. L'Adriatique fut en quelque sorte le miroir de la mer du Nord : la flotte austro-hongroise était bloquée par les navires français et britanniques. Le manque de charbon fit que les cuirassés italiens et austro-hongrois restèrent au port durant la quasi-totalité de la guerre. En Méditerranée, les cuirassés furent utilisés pour le soutien du débarquement amphibie de la bataille des Dardanelles.
La guerre a également montré la vulnérabilité des cuirassés face à des armes beaucoup moins chères. En septembre 1914, la menace des U-boats fut démontrée par une série d'attaques sur les croiseurs britanniques, en particulier la destruction de trois vieux croiseurs par le sous-marin SM U-9 en moins d'une heure. Le naufrage du HMS Audacious touché par une mine montra également la menace que celles-ci posaient. Les pertes chez les croiseurs et les destroyers britanniques causées par les U-boats provoquèrent une panique grandissante de la Royal Navy par rapport à la vulnérabilité de ses cuirassés.
Du côté allemand, la flotte était décidée à ne pas livrer bataille aux Britanniques sans l'aide des sous-marins. Or, ceux-ci avaient pour mission la destruction des convois. La flotte est donc restée au port jusqu'à l'armistice. D'autres théâtres maritimes montrèrent que les dreadnoughts étaient menacés par des petits navires. Les deux dreadnoughts austro-hongrois perdus en 1918 furent coulés par des torpilleurs et des nageurs de combat.
La construction des cuirassés après 1914
La Première Guerre mondiale a largement stoppé la course aux armements cuirassés car les fonds et les ressources étaient détournées vers d'autres priorités. Les fonderies qui fabriquaient l'artillerie navale furent reconverties pour la fabrication d'artillerie terrestre et les chantiers navals furent submergés par les commandes de navires légers. Les puissances navales secondaires engagées dans la guerre, la France, la Russie, l'Autriche-Hongrie et l'Italie, stoppèrent complètement la construction de dreadnoughts. Le Royaume-Uni et l'Allemagne poursuivirent leurs programmes de construction mais à un rythme plus faible.
En Grande-Bretagne, le moratoire gouvernemental sur la construction de cuirassés et le retour de Fisher à l'Amirauté provoquèrent un regain d'intérêt pour le croiseur de bataille. Les navires des classes Revenge et Queen Elizabeth furent terminés mais les deux derniers cuirassés de la classe Revenge furent transformés en tant que croiseurs de bataille de la classe Renown. Fisher fit également construire une classe extrême, la classe Courageous ; Très rapide et très bien armée mais très peu protégée, appelée 'grands croiseurs légers' pour contourner une décision du Cabinet à l'encontre des nouveaux grands navires. La folie de Fisher pour la vitesse culmina avec l'HMS Incomparable qui aurait pu atteindre 65 km/h.
En Allemagne, deux navires de la classe d'avant-guerre Bayern furent lentement terminés mais les autres étaient encore inachevés à la fin de la guerre. Le SMS Hindenburg, commandé avant guerre fut terminé en 1917. La classe Mackensen fut également commencée mais jamais achevée.
Malgré l'accalmie dans la construction navale durant la Première Guerre mondiale, les années 1919-1922 virent grandir la menace d'une nouvelle course aux armements navals entre les États-Unis, le Japon et le Royaume-Uni. La bataille du Jutland eut une grande influence sur la conception des nouveaux cuirassés. Les croiseurs de bataille de la classe Admiral furent les premiers à bénéficier de ses enseignements. L'Amirauté britannique fut finalement convaincue que les croiseurs de bataille peu blindés étaient très vulnérables. Par conséquent, les navires de la classe Admiral reçurent un blindage plus épais faisant passer le déplacement à 42 000 tonnes. Cependant, cette initiative provoqua une nouvelle course avec le Japon et les États-Unis. La loi navale de 1916 autorisait la construction de 156 nouveaux navires dont dix cuirassés et six croiseurs de bataille destinés à l'US Navy. Pour la première fois, les États-Unis s'attaquaient à la domination britannique. Ce programme commença lentement (en particulier pour apprendre les leçons du Jutland), et ne fut pas entièrement réalisé. Cependant, les classes Colorado et Lexington surpassaient les classes Queen Elizabeth et Admiral britanniques en utilisant des canons de 406 mm.
Au même moment, la Marine impériale japonaise obtint l'autorisation pour sa flotte huit-huit. La classe Nagato commandée en 1916 utilisait des canons de 406 mm comme ses équivalents américains. L'année suivante, la classe de cuirassés Kaga emportait dix canons de 406 mm. La classe de croiseurs de bataille Amagi emportait également dix canons de 406 mm mais elle pouvait également atteindre 56 km/h devant les classes Admiral britannique et Lexington américaine.
La situation se compliqua en 1919 lorsque Woodrow Wilson proposa une nouvelle extension de l'US Navy comprenant dix cuirassés et six croiseurs de bataille en plus de ceux prévus par le programme naval de 1916. En réponse, la Diète du Japon accepta la réalisation de la flotte huit-huit, incorporant quatre autres cuirassés. Ces navires de la classe Kil atteindraient 43 000 tonnes. La génération suivante, la classe Numéro 13 aurait utilisé des canons de 456 mm.
USS California en 1921
Le Royaume-Uni, ruiné par la guerre, faisait face à la perspective d'être dépassé par les États-Unis et le Japon. Aucun navire n'avait été lancé depuis ceux de la classe Admiral et parmi ceux-là, seul le HMS Hood était terminé. En juin 1919, le plan de l'Amirauté était de construire une flotte de 33 cuirassés et de huit croiseurs de bataille, qui pourraient être construits et entretenus pour 171 millions de livres par an (environ 5,83 milliards de livres actuelles), or seulement 84 millions de livres étaient disponibles. L'Amirauté demanda ensuite, comme minimum absolu, huit nouveaux cuirassés. Ceux-ci auraient été issus des classes G3 et N3. L'Allemagne ne participa pas à cette compétition. La plupart des dreadnoughts allemands furent sabordés à Scapa Flow en 1919.
Au lieu de se lancer dans des programmes de construction ruineux, les grandes puissances navales signèrent le traité de Washington en 1922. Le traité établit une liste de navires incluant la plupart des dreadnoughts les plus anciens et quasiment tous les cuirassés en construction. Ceux-ci devaient être détruits ou mis hors-service. Il instaura également une 'vacance de la construction' durant laquelle aucun nouveau cuirassé ou croiseur de bataille ne devait être construit. Les navires qui survécurent au traité, dont les plus modernes des super-dreadnoughts formèrent le cœur de la force navale des années 1920 et 1930 et après modernisation, ils participèrent à la Seconde Guerre mondiale.
À partir de ce moment, le mot 'dreadnought' devint moins utilisé. La plupart des pré-dreadnoughts furent détruits ou transformés en batteries flottantes après la Première Guerre mondiale, le terme de 'dreadnought' devint moins nécessaire. Néanmoins, les cuirassés de la Seconde Guerre mondiale sont parfois appelés dreadnoughts.
source
wikipedia.com