Une fois n'est pas coutume, je présente ici une réalisation de 2011 : un truc qui vole.
Qui vole ?
Oui, mais c'est de l'aéronavale naissante.
Il s'agit d'une maquette au 1/72e du Curtiss "Pusher" qu'utilisa voici cent sept ans Eugene Ely pour le premier appontage de l'Histoire.
Voici donc un montage réalisé en 2011 pour commémorer le centenaire du premier appontage d'un avion sur un navire.
Petite remise en mémoire historique :
L'aviateur américain Eugene Ely est le premier à avoir tenté un décollage, puis un appontage sur un navire avec un aéroplane.
Le premier décollage eut lieu en Novembre 1910, depuis une plateforme en bois bâtie à l'avant du croiseur léger USS Birmingham (CL-2), en Baie de Chesapeake.
Trois mois plus tard, il tentait avec succès un premier appontage sur une plateforme en bois installée sur la plage arrière du croiseur cuirassé USS Pennsylvania (ACR-4) dans la Baie de San Francisco.
Ely utilisa un Curtiss "Pusher" bricolé avec l'ajout de trois "ballons de flottaison". Lui-même avait disposé autour de son buste deux pneumatiques de vélo gonflés à bloc... au cas où.
La tentative d'appontage fut un très grand succès, mais il fallu attendre plus de dix ans avant de voir ce genre d'exercice répété quotidiennement sur ces étranges bailles qu'on appela "porte-avions".
Quelques vues du premier appontage.
La plateforme en bois était bordée de toile pour empêcher l'avion d'accrocher quelque chose.
Au centre, deux madriers maintenaient une série de cordes reliées à des sacs de sable. Les cordes, en se "prenant dans les roues" étaient censées freiner suffisamment l'avion pour qu’il soit saisi à l'arrivée par des marins volontaires !
Le poste de pilotage avec air conditionné et vue sur la mer. Noter les pneus dont Ely s'est équipé... tout en gardant son pantalon de tweed :
Ely n'était pas seul : une foule l'attendait, y compris l'équipage du croiseur... Il y avait du monde au balcon
La maquette.
J'avais décidé de monter "out of the box" la maquette Historic Wings au 1/72e qui est entièrement en photo découpe, avec quelques accessoires en métal blanc.
Je voulais "me reposer de Telford" et j'ai opté dès le départ pour ne pas corriger -toutes- les erreurs de détail du kit.
J'ai également opté pour ne pas coller l'entoilage afin de mettre en valeur la structure en photo découpe et le haubanage. Une petite licence artistique...
Bien m'en a pris. Le montage s'est révélé être un véritable cauchemar et j'ai dû consommer une très grand provision de sang froid pour ne pas balancer au moins trois fois le bidule dans la corbeille. Voici donc le résultat.
L'ensemble est gravé dans une planche épaisse (0,36mm) d'un laiton assez (trop) malléable.
La première étape consiste à tordre de 90 degrés chaque nervure dans chacune des deux ailes. On réalise vite que, ce faisant, les longerons partent en vrille et on se retrouve avec une espèce de chose informe qu'il faut patiemment redresser.
Devant l'horreur, j'ai inventé un système de pinces à base de profilé de plastique comme on trouve dans les magasins de bricolage pour les extrémités de glace :
Les bords d'attaque et de fuite étant pris dans les "pinces", je pouvais tordre une par une les nervures.
Néanmoins, après enlèvement des pinces, les tensions mettaient l’aile en vrille, entrainant une petit heure de « redressement » progressif à la pince, nervure par nervure.
Montage de la nacelle. Ici je tombe dans le piège d’une notice mal fichue, bien que très claire. Une fois la nacelle assemblée comme indiquée… on ne peut tout simplement pas l’engager entre les ailes.
Il faut décoller les bras latéraux et le trapèze arrière (du train d’atterrissage), coller la nacelle en place et réassembler.
Après deux jours d’efforts et de jurons intérieurs, les deux ailes sont redressées…
Là, je découvre que le « fauteuil » du pilote est trop étroit et celui-ci ne peut pas passer les bras entre les accoudoirs… Coup de chance, je m’aperçois en examinant les photos que ce fauteuil n’existe pas sur l’avion réel.
Cette première phase ayant bien secoué ma réserve de patience, je décide de me « reposer » en assemblant un morceau de la plateforme d’appontage du Pennsylvania. Par chance je disposais d’un bouquin qui décrit celle-ci en donnant toutes les dimensions.
La plateforme est réalisée en lattes de tilleul. Les toiles latérales sont des bandes de mouchoir en papier enduites de colle à bois et peintes à l’aérographe.
Les sacs de sable sont modelés dans du Magic Sculpt, un mastic époxy très fin (mieux que le Miliput) et qui durcit en deux heures.
Pour peu qu’on garde les doigts mouillés tout le temps, il se modèle à plaisir.
Préparation des pièces en métal blanc.
Les roues et l’hélice sont affinées à la lime
Ensuite les jantes en rayons sont collées. Une particularité de ce fabriquant est de fournir de très jolies jantes en photo découpe (maillechort) qu’on déforme en les rendant conique à l’aide de deux emboutissoirs (male-femelle) fournis dans la boite.
Le résultat est très joli et délicat.
Ici, pour avoir un bon centrage lors du collage à la super glue, je tiens la jante avec un stick de dentiste (un bâton enduit à son extrémité d’une sorte de cire collante)
Essai du pilote, le camarade Eugene :
Haubanage :
Ici commence le haubanage. J’utilise du fil de nylon de 5/100e de mm teinté en noir en le frottant sur la pointe d’un gros feutre.
Collage à la super glue.
Les ailerons :
La queue :
Collage des ballons de flottaison :
Et VOILA !
La plateforme en bois est passée à l’huile pour mettre en valeur le tilleul.
Voilà la maquette terminée… une semaine de montage… ça me change des 5 ans pour Mare Island et de l’année pour mon cuirassé Vermont… j’en ai presque oublié le cauchemar du début.
Cerise sur le gâteau : cette petite chose de 13cm d'envergure fut terminée juste à temps pour gagner une médaille d'argent au salon d'Albi de novembre 2011
Et en avant pour de nouvelles aventures !
_Bruno
Dernière édition par bgire le Mar 15 Aoû 2017, 16:09, édité 1 fois
_________________
Hi Bob!
C'est curieux chez les marins ce besoin de faire des phrases
Si Vis Pacem Parafilmum
La sous-couche, c'est un apprêt que l'on met avant
Si on bricolait plus souvent on aurait moins la tête aux bêtises
Omnes stulti, et deliberationes non utentes, omnia tentant
Une journée au cours de laquelle on n'a pas ri est une journée perdue
Espérons que le fond de la mer est étanche
Oh, ça c'est le Quacta qui se moque du Stifling
Telle est la Voie !
Qui vole ?
Oui, mais c'est de l'aéronavale naissante.
Il s'agit d'une maquette au 1/72e du Curtiss "Pusher" qu'utilisa voici cent sept ans Eugene Ely pour le premier appontage de l'Histoire.
Voici donc un montage réalisé en 2011 pour commémorer le centenaire du premier appontage d'un avion sur un navire.
Petite remise en mémoire historique :
L'aviateur américain Eugene Ely est le premier à avoir tenté un décollage, puis un appontage sur un navire avec un aéroplane.
Le premier décollage eut lieu en Novembre 1910, depuis une plateforme en bois bâtie à l'avant du croiseur léger USS Birmingham (CL-2), en Baie de Chesapeake.
Trois mois plus tard, il tentait avec succès un premier appontage sur une plateforme en bois installée sur la plage arrière du croiseur cuirassé USS Pennsylvania (ACR-4) dans la Baie de San Francisco.
Ely utilisa un Curtiss "Pusher" bricolé avec l'ajout de trois "ballons de flottaison". Lui-même avait disposé autour de son buste deux pneumatiques de vélo gonflés à bloc... au cas où.
La tentative d'appontage fut un très grand succès, mais il fallu attendre plus de dix ans avant de voir ce genre d'exercice répété quotidiennement sur ces étranges bailles qu'on appela "porte-avions".
Quelques vues du premier appontage.
La plateforme en bois était bordée de toile pour empêcher l'avion d'accrocher quelque chose.
Au centre, deux madriers maintenaient une série de cordes reliées à des sacs de sable. Les cordes, en se "prenant dans les roues" étaient censées freiner suffisamment l'avion pour qu’il soit saisi à l'arrivée par des marins volontaires !
Le poste de pilotage avec air conditionné et vue sur la mer. Noter les pneus dont Ely s'est équipé... tout en gardant son pantalon de tweed :
Ely n'était pas seul : une foule l'attendait, y compris l'équipage du croiseur... Il y avait du monde au balcon
La maquette.
J'avais décidé de monter "out of the box" la maquette Historic Wings au 1/72e qui est entièrement en photo découpe, avec quelques accessoires en métal blanc.
Je voulais "me reposer de Telford" et j'ai opté dès le départ pour ne pas corriger -toutes- les erreurs de détail du kit.
J'ai également opté pour ne pas coller l'entoilage afin de mettre en valeur la structure en photo découpe et le haubanage. Une petite licence artistique...
Bien m'en a pris. Le montage s'est révélé être un véritable cauchemar et j'ai dû consommer une très grand provision de sang froid pour ne pas balancer au moins trois fois le bidule dans la corbeille. Voici donc le résultat.
L'ensemble est gravé dans une planche épaisse (0,36mm) d'un laiton assez (trop) malléable.
La première étape consiste à tordre de 90 degrés chaque nervure dans chacune des deux ailes. On réalise vite que, ce faisant, les longerons partent en vrille et on se retrouve avec une espèce de chose informe qu'il faut patiemment redresser.
Devant l'horreur, j'ai inventé un système de pinces à base de profilé de plastique comme on trouve dans les magasins de bricolage pour les extrémités de glace :
Les bords d'attaque et de fuite étant pris dans les "pinces", je pouvais tordre une par une les nervures.
Néanmoins, après enlèvement des pinces, les tensions mettaient l’aile en vrille, entrainant une petit heure de « redressement » progressif à la pince, nervure par nervure.
Montage de la nacelle. Ici je tombe dans le piège d’une notice mal fichue, bien que très claire. Une fois la nacelle assemblée comme indiquée… on ne peut tout simplement pas l’engager entre les ailes.
Il faut décoller les bras latéraux et le trapèze arrière (du train d’atterrissage), coller la nacelle en place et réassembler.
Après deux jours d’efforts et de jurons intérieurs, les deux ailes sont redressées…
Là, je découvre que le « fauteuil » du pilote est trop étroit et celui-ci ne peut pas passer les bras entre les accoudoirs… Coup de chance, je m’aperçois en examinant les photos que ce fauteuil n’existe pas sur l’avion réel.
Cette première phase ayant bien secoué ma réserve de patience, je décide de me « reposer » en assemblant un morceau de la plateforme d’appontage du Pennsylvania. Par chance je disposais d’un bouquin qui décrit celle-ci en donnant toutes les dimensions.
La plateforme est réalisée en lattes de tilleul. Les toiles latérales sont des bandes de mouchoir en papier enduites de colle à bois et peintes à l’aérographe.
Les sacs de sable sont modelés dans du Magic Sculpt, un mastic époxy très fin (mieux que le Miliput) et qui durcit en deux heures.
Pour peu qu’on garde les doigts mouillés tout le temps, il se modèle à plaisir.
Préparation des pièces en métal blanc.
Les roues et l’hélice sont affinées à la lime
Ensuite les jantes en rayons sont collées. Une particularité de ce fabriquant est de fournir de très jolies jantes en photo découpe (maillechort) qu’on déforme en les rendant conique à l’aide de deux emboutissoirs (male-femelle) fournis dans la boite.
Le résultat est très joli et délicat.
Ici, pour avoir un bon centrage lors du collage à la super glue, je tiens la jante avec un stick de dentiste (un bâton enduit à son extrémité d’une sorte de cire collante)
Essai du pilote, le camarade Eugene :
Haubanage :
Ici commence le haubanage. J’utilise du fil de nylon de 5/100e de mm teinté en noir en le frottant sur la pointe d’un gros feutre.
Collage à la super glue.
Les ailerons :
La queue :
Collage des ballons de flottaison :
Et VOILA !
La plateforme en bois est passée à l’huile pour mettre en valeur le tilleul.
Voilà la maquette terminée… une semaine de montage… ça me change des 5 ans pour Mare Island et de l’année pour mon cuirassé Vermont… j’en ai presque oublié le cauchemar du début.
Cerise sur le gâteau : cette petite chose de 13cm d'envergure fut terminée juste à temps pour gagner une médaille d'argent au salon d'Albi de novembre 2011
Et en avant pour de nouvelles aventures !
_Bruno
Dernière édition par bgire le Mar 15 Aoû 2017, 16:09, édité 1 fois
_________________
Hi Bob!
C'est curieux chez les marins ce besoin de faire des phrases
Si Vis Pacem Parafilmum
La sous-couche, c'est un apprêt que l'on met avant
Si on bricolait plus souvent on aurait moins la tête aux bêtises
Omnes stulti, et deliberationes non utentes, omnia tentant
Une journée au cours de laquelle on n'a pas ri est une journée perdue
Espérons que le fond de la mer est étanche
Oh, ça c'est le Quacta qui se moque du Stifling
Telle est la Voie !