BROMURE a écrit: pourquoi de tel calibre et on va dire autant d'indécision ?
c'est l'histoire du boulet et de la cuirasse et a cette époque on aimait bien avoir le plus gros boulet
pour etre sur que la cuirasse en face ne resiste pas
et on comparait avec ce qui se faisait ailleurs
En France on avait un problème avec les grosses pièces d'artillerie de marine... parce que l'industrie n'avait pas la taille pour produire les protos conçus par les ingénieurs : trop de charge requise pour approvisionner l'armée de terre.
Cela remonte à la Guerre de 1870 : après la défaite, il fallu reconstruire la défense et on se rendit compte que la Marine n'avait pas servi à grand chose alors que l'Armée de Terre avait été vaincue par les Prussiens mieux équipés. S'ensuivit une guéguerre politico-militaire interne au cours de laquelle la Marine fut pratiquement sacrifiée avant de renaitre fragilement avec le programme de 1873 (Dévastation et Courbet). La priorité fut donnée pendant trente ans à l'Armée de Terre dans l'optique de la "revanche". Le sacrifice de la Marine sur l'autel du budget et de la politique de revanche ouvrit la voie à la "Jeune École" qui prônait la fin des cuirassés et le développement des torpilleurs légers et rapides. Cette nouvelle orientation fut un semi-échec mais flanqua une trouille bleue aux Anglais qui décidèrent de protéger leurs lents cuirassés contre les torpilles frenchies en inventant une nouvelle race de navire, le "torpedoboat destroyer" (destructeur de torpilleur) qui deviendra en 1919 le destroyer (= le contre-torpilleur).
Côté industrie la pression fut maximale sur les aciéries et les forges pour l'Armée de Terre. Ainsi les nouveaux cuirassés entrepris dans les années 1880 battirent des record de durée de construction (10 ans pour le Hoche).
En 1927 le projet de croiseur de bataille de 37 000tW armé de 3 tourelles doubles de 406 fut abandonné, entre autres parce que l'industrie ne pouvait pas fournir les canons en temps utile. On se "rabattit" sur les Dunkerque.
Plus tard, dans les années trente les nouveaux canons furent très long à entrer en production : Les Richelieu devaient embarquer cinq tourelles triples de 152 mais deux furent supprimées à la fois parce que l’industrie avait du retard et qu'entretemps la menace avait changé pour de l'aérien. Pourtant, ces 152 avaient une capacité antiaérienne avec une élévation maximale de 90° qui coûtait un supplément de 70tonnes par tourelle.
Pour les successeurs du Richelieu le 380 était toujours privilégié, cette solution étant renforcée par la limitation du tonnage par le traité de Washington : il aurait été plus difficile de trouver un bon compromis armement-protection avec ce calibre. Il suffit de voir les problèmes causés sur la Gascogne par le déplacement d'une tourelle quadruple à l'arrière : la citadelle blindée devenait plus longue et plus lourde et on dépassait les 35 000t autorisées, d'où un plan remanié in-extremis en raccourcissant le compartiment des diesels de secours.
Sans parler des problèmes de taille du bestiau, limitée à 250-260m par la forme de Brest (longueur du navire + longueur permettant d'extraire un arbre d'hélice). Certes, une forme plus grande fut entreprise en 1941 mais elle fut bombardée et n'aboutit jamais (d'où... la longueur du Charles de Gaulle).
Faire entrer du 406 dans une coque de cette taille, seuls les South Dakota (210m) américains y arrivèrent grâce à deux formidables innovations qui consistaient à grouper la machinerie par modules (paires de chaudières d'un côté, turbine en vis à vis) et utiliser une ceinture cuirassée inclinée (plus efficace à épaisseur égale) interne et descendant dans les fonds (jouant aussi le rôle de protection anti torpille).
A la fin des années trente la limitation devenant caduque l'idée de monter vers le 406, en vigueur aux USA, en Grande Bretagne et au Japon revint au premier plan, d'où la note de Darlan citée par Pierre et qui date de 1940. Il s'agissait alors à mon avis d'un vœu pieux dans la mesure où dès 1939 l'industrie n'était déjà plus capable de tenir les délais pour la livraison des 380 des Clemenceau et Gascogne : alors du 406 ? Vous pensez ?
D'ailleurs même les anglais n'y arrivaient pas non plus, qui recyclèrent de vieux 381 des Courageous et Glorious de 1916 sur une coque de Lion modifiée, donnant le Vanguard de 1946.
La décision de Darlan était plutôt un moyen de maintenir sous pression les ingénieurs de la direction des constructions navales, comme cela se poursuivra pendant l'Occupation : les bureaux d'études "pondaient" des études en continu (croiseurs de la classe St Louis, transformation des Duquesne et Tourville en PA léger, projets de PA 21 à 29, etc...)
Quelques-unes aboutirent après-guerre avec la conception d'un nouveau matériel autochtone face à l'équipement OTAN. Pierre a ainsi "débusqué" le chaînon manquant dans une filiation entre la tourelle CAD de 100mm de 1938 et la future tourelle double de 100mm du Jean Bart de 1953 : sans doute vous en parlera-t-il un jour avec l'un de ses magnifiques dessins.
_Bruno
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Hi Bob!
C'est curieux chez les marins ce besoin de faire des phrases
Si Vis Pacem Parafilmum
La sous-couche, c'est un apprêt que l'on met avant
Si on bricolait plus souvent on aurait moins la tête aux bêtises
Omnes stulti, et deliberationes non utentes, omnia tentant
Une journée au cours de laquelle on n'a pas ri est une journée perdue
Espérons que le fond de la mer est étanche
Oh, ça c'est le Quacta qui se moque du Stifling
Telle est la Voie !