Salut à tous,
Petit retour à l'Empire (où je suis plus à l'aise que dans les corvettes Flower de la WWII...), pour continuer cette série qui va bientôt toucher à sa fin. Je vous propose aujourd'hui ma plaquette préférée qui est une scène d'intérieur. Elle date de 1981. Elle est peinte à l'Humbrol, ce qui faisait hurler de dégoût les puristes, les masters de la peinture qui se la pétaient et pointaient déjà aux palmarès des concours. A l'époque, au contraire de ce qui passait pour la norme, à savoir donc la peinture à l'huile en tube bien léchée, bien tirée, c'était mon unique façon de peindre. Il est évident qu'il ne fallait pas en attendre des rendus extraordinaires et que, par conséquent, il n'était pas question pour moi de poser cette plaquette sur une table de concours: les juges ne l'auraient même pas regardée. Mais, cette plaquette est ma préférée parce que, précisément, c'est celle où, encore une fois avec les moyens rudimentaires des débutants, je m'étais appliqué à peindre avec le plus de soin possible. Cette petite scène a été baladée dans plus de 100 expos. A mon grand étonnement, on lui a attribué une médaille d'or encore récemment par choix du public dans une petite expo locale. Ne me demandez pas pourquoi, je ne suis pas expert en psychologie des foules.
Le sujet proposé me tenait aussi à coeur, en tant qu'infirmier -major au 4e BCP en Algérie. Avec un frisson rétrospectif sur ce à quoi j'avais échappé.
Petit point historique que je vais faire aussi court que possible.
Sous l'Ancien Régime, le Service de Santé aux Armées était peu développé et mal organisé, sauf dans la Marine. Un homme blessé ne pouvant plus servir à rien mais constituant une charge, on s'en désintéressait: dans la plupart des cas, c'était un fusil, une giberne et un briquet de récupérés, plus de solde à payer, plus de gamelle ni d'habillement à assurer. Il était abandonné à son sort et bien heureux celui qui pouvait compter sur la compassion des civils pour se tirer d'affaire. Sous la Révolution, la Convention Nationale (qui n'a pas fait qu'envoyer des gens à l'échafaud) décréta que, dans toutes les écoles de médecine, des médecins soient formés pour la chirurgie et la médecine de guerre, afin de ne pas abandonner les défenseurs de la Patrie. Une réelle organisation fut mise sur pied qui donna des résultats positifs et durables. Mais, administrativement, ce Service dépendait de l'Intendance. C'était là que le bât blessait. Quand on sait toutes les insuffisances au bas mot de ce service et les reproches justifiés qui, en plus d'une occasion, lui étaient régulièrement faits, on mesure toutes les difficultés rencontrées par les praticiens, malgré leur bonne volonté et leur dévouement.
S'il hérita de l'organisation révolutionnaire, l'Empire, hélas, ne changea rien à, cet état de fait. C'est le gros reproche que je fais à l'Empereur que d'avoir négligé ce Service en le laissant sous la tutelle paperassière et inefficace de l'Intendance. Parce que, à la mesure de la Grande Armée, la plus forte concentration d'hommes jamais réunie, les besoins étaient énormes. Il faut savoir que la Grande Armée perdit plus d'hommes par maladie, privations et épidémies que par blessures mortelles au combat. Chaque régiment, voire parfois des bataillons, avait théoriquement son médecin et les hôpitaux de l'avant, relativement proches, comptaient nombre de chirurgiens. Bien que faisant partie de l'état-major de l'unité, ils étaient considérés comme officiers de 2e zone.
Sur le champ de bataille, un médecin ne pouvait pas grand chose. Les chirurgiens venaient de l'arrière, opéraient un tri parmi les blessés "récupérables" et les évacuaient aussi rapidement que possible. Ils pouvaient tomber sous les boulets ou les coups de sabre de l'adversaire.
Le gros point faible était l'hospitalisation. La guerre impériale étant faite essentiellement de mouvement, l'organisation d'un hôpital ne pouvait que rarement être envisagée dans cette perpétuelle itinérance. Etaient réquisitionnés bien sûr les hôpitaux existants dans le pays, les églises, les couvents, les écoles quand il y en avait. L'Intendance ne suivant pas, bien entendu ou prétendant avoir d'autres priorités, il n'était pas question de compter sur de la literie, du matériel et des fournitures. C'est tout juste si on pouvait disposer de paille sur laquelle on étendait les blessés plus ou moins atteints ou les malades incapables de marcher. Quand elle était servie, la nourriture était parcimonieuse et de mauvaise qualité. Le bois de chauffage manquait en hiver dans ces locaux ouverts à tous les vents de même que des couvertures, du matériel chirurgical, des pansements, etc. ...
Pourtant, l'équipement existait. Il y avait bien des stocks réglementaires mais pas de moyens de transport (j'ai déjà évoqué plusieurs fois la pénurie en chevaux dont souffrit l'Armée en permanence), pas de caissons de matériels de soins pour les chirurgiens, de brancards, d'objets de pansement et même d'ambulances. Mais , TOUT CELA, JAMAIS AU BON ENDROIT, AU BON MOMENT.
Médecins et chirurgiens s'épuisaient constamment en réclamations stériles auprès des bureaux de l'Intendance, censée satisfaire aux besoins. Si le Service de Santé comptait dans son personnel une proportion de planqués bons à rien et totalement incompétents, mais fils de famille ayant tiré le mauvais numéro à la conscription et n'ayant pas trouvé de remplaçant malgré une belle bourse, l'Intendance, elle, était gangrenée par une administration dont l'inertie était proverbiale et surtout peuplée de malhonnêtes à tous les niveaux. La corruption était généralisée. Prévarication, concussion, détournements crapuleux étaient monnaie courante, couverts aux plus hauts niveaux. Certains, corrompant tous les échelons, revendaient les stocks à leur profit et l'on vit se bâtir des fortunes, surtout pendant la guerre d'Espagne, au détriment de blessés affamés qui mouraient sur la paille pourrie parce non renouvelée. Devant cette incurie, ce scandale permanent, des médecins honnêtes s'emportaient, menaçaient, allant jusqu'aux voies de fait. On en vit même tirer l'épée pour exiger leur dû et... l'obtenir enfin.
J'ai peine à croire à la cécité de l'Empereur sur ce point, tout comme à son indifférence à propos de cette situation scandaleuse qui lui a coûté des effectifs importants qui lui feront défaut plus tard. Certes, on lui remettait des rapports truqués, des chiffres falsifiés, des tableaux trafiqués. Comment sa prodigieuse mémoire a-t-elle pu être prise en défaut à ce point, quand on sait qu'à la seconde, l'Empereur connaissait la situation de chacun de ses régiments.
Ces situations de temps de guerre, où les contrôles sont aléatoires quand il y en a , se tariront en temps de paix et de sédentarité des garnisons mais sans disparaître complètement.
La tutelle mortifère de l'Intendance perdurera jusqu'à la veille de la Grande Guerre. Il est heureux qu'elle ait pris fin juste à temps car les conséquences de cette boucherie auraient alors atteint des chiffres encore plus effrayants que ceux que nous connaissons.
C'est ce qu'illustre cette scène. Un chirurgien, installé dans une gasthaus, engueule littéralement un commis d'Intendance bien propre sur lui
et le menace publiquement. "Votre intendant est un jean-foutre! Allez, Monsieur, et dites-lui bien que si, demain matin, mes caissons ne sont pas là, j'irai moi-même les chercher avec mes conducteurs et gare à qui s'y opposera! Je manie l'épée aussi bien que le scalpel!".
A la droite du chirurgien assis, un médecin régimentaire. A l'autre table à sa gauche, un sergent infirmier secrétaire, un infirmier, et, à droite, trois hommes du Train des Equipages, un margis, un conducteur, un accompagnateur. Le personnel médical portait la tenue du corps d'attache à l'exception du collet: noir pour les médecins, écarlate pour les chirurgiens, vert pour les pharmaciens.
Les registres et portefeuilles à documents sont confectionnés en scratch, en fleur de cuir.
Les plumes sont naturelles, faites à partir de barbules d'une vraie plume de gallinacé retaillée. C'est un boulot de patience.
Cheminée en bois réel. Cendres en plâtre peint et bûches faites de brindilles calcinées.
That's all, Folks ! J'espère que ça vous intéressera. N'hésitez pas à poser des questions.
Armand dit gribeauval83
Petit retour à l'Empire (où je suis plus à l'aise que dans les corvettes Flower de la WWII...), pour continuer cette série qui va bientôt toucher à sa fin. Je vous propose aujourd'hui ma plaquette préférée qui est une scène d'intérieur. Elle date de 1981. Elle est peinte à l'Humbrol, ce qui faisait hurler de dégoût les puristes, les masters de la peinture qui se la pétaient et pointaient déjà aux palmarès des concours. A l'époque, au contraire de ce qui passait pour la norme, à savoir donc la peinture à l'huile en tube bien léchée, bien tirée, c'était mon unique façon de peindre. Il est évident qu'il ne fallait pas en attendre des rendus extraordinaires et que, par conséquent, il n'était pas question pour moi de poser cette plaquette sur une table de concours: les juges ne l'auraient même pas regardée. Mais, cette plaquette est ma préférée parce que, précisément, c'est celle où, encore une fois avec les moyens rudimentaires des débutants, je m'étais appliqué à peindre avec le plus de soin possible. Cette petite scène a été baladée dans plus de 100 expos. A mon grand étonnement, on lui a attribué une médaille d'or encore récemment par choix du public dans une petite expo locale. Ne me demandez pas pourquoi, je ne suis pas expert en psychologie des foules.
Le sujet proposé me tenait aussi à coeur, en tant qu'infirmier -major au 4e BCP en Algérie. Avec un frisson rétrospectif sur ce à quoi j'avais échappé.
Petit point historique que je vais faire aussi court que possible.
Sous l'Ancien Régime, le Service de Santé aux Armées était peu développé et mal organisé, sauf dans la Marine. Un homme blessé ne pouvant plus servir à rien mais constituant une charge, on s'en désintéressait: dans la plupart des cas, c'était un fusil, une giberne et un briquet de récupérés, plus de solde à payer, plus de gamelle ni d'habillement à assurer. Il était abandonné à son sort et bien heureux celui qui pouvait compter sur la compassion des civils pour se tirer d'affaire. Sous la Révolution, la Convention Nationale (qui n'a pas fait qu'envoyer des gens à l'échafaud) décréta que, dans toutes les écoles de médecine, des médecins soient formés pour la chirurgie et la médecine de guerre, afin de ne pas abandonner les défenseurs de la Patrie. Une réelle organisation fut mise sur pied qui donna des résultats positifs et durables. Mais, administrativement, ce Service dépendait de l'Intendance. C'était là que le bât blessait. Quand on sait toutes les insuffisances au bas mot de ce service et les reproches justifiés qui, en plus d'une occasion, lui étaient régulièrement faits, on mesure toutes les difficultés rencontrées par les praticiens, malgré leur bonne volonté et leur dévouement.
S'il hérita de l'organisation révolutionnaire, l'Empire, hélas, ne changea rien à, cet état de fait. C'est le gros reproche que je fais à l'Empereur que d'avoir négligé ce Service en le laissant sous la tutelle paperassière et inefficace de l'Intendance. Parce que, à la mesure de la Grande Armée, la plus forte concentration d'hommes jamais réunie, les besoins étaient énormes. Il faut savoir que la Grande Armée perdit plus d'hommes par maladie, privations et épidémies que par blessures mortelles au combat. Chaque régiment, voire parfois des bataillons, avait théoriquement son médecin et les hôpitaux de l'avant, relativement proches, comptaient nombre de chirurgiens. Bien que faisant partie de l'état-major de l'unité, ils étaient considérés comme officiers de 2e zone.
Sur le champ de bataille, un médecin ne pouvait pas grand chose. Les chirurgiens venaient de l'arrière, opéraient un tri parmi les blessés "récupérables" et les évacuaient aussi rapidement que possible. Ils pouvaient tomber sous les boulets ou les coups de sabre de l'adversaire.
Le gros point faible était l'hospitalisation. La guerre impériale étant faite essentiellement de mouvement, l'organisation d'un hôpital ne pouvait que rarement être envisagée dans cette perpétuelle itinérance. Etaient réquisitionnés bien sûr les hôpitaux existants dans le pays, les églises, les couvents, les écoles quand il y en avait. L'Intendance ne suivant pas, bien entendu ou prétendant avoir d'autres priorités, il n'était pas question de compter sur de la literie, du matériel et des fournitures. C'est tout juste si on pouvait disposer de paille sur laquelle on étendait les blessés plus ou moins atteints ou les malades incapables de marcher. Quand elle était servie, la nourriture était parcimonieuse et de mauvaise qualité. Le bois de chauffage manquait en hiver dans ces locaux ouverts à tous les vents de même que des couvertures, du matériel chirurgical, des pansements, etc. ...
Pourtant, l'équipement existait. Il y avait bien des stocks réglementaires mais pas de moyens de transport (j'ai déjà évoqué plusieurs fois la pénurie en chevaux dont souffrit l'Armée en permanence), pas de caissons de matériels de soins pour les chirurgiens, de brancards, d'objets de pansement et même d'ambulances. Mais , TOUT CELA, JAMAIS AU BON ENDROIT, AU BON MOMENT.
Médecins et chirurgiens s'épuisaient constamment en réclamations stériles auprès des bureaux de l'Intendance, censée satisfaire aux besoins. Si le Service de Santé comptait dans son personnel une proportion de planqués bons à rien et totalement incompétents, mais fils de famille ayant tiré le mauvais numéro à la conscription et n'ayant pas trouvé de remplaçant malgré une belle bourse, l'Intendance, elle, était gangrenée par une administration dont l'inertie était proverbiale et surtout peuplée de malhonnêtes à tous les niveaux. La corruption était généralisée. Prévarication, concussion, détournements crapuleux étaient monnaie courante, couverts aux plus hauts niveaux. Certains, corrompant tous les échelons, revendaient les stocks à leur profit et l'on vit se bâtir des fortunes, surtout pendant la guerre d'Espagne, au détriment de blessés affamés qui mouraient sur la paille pourrie parce non renouvelée. Devant cette incurie, ce scandale permanent, des médecins honnêtes s'emportaient, menaçaient, allant jusqu'aux voies de fait. On en vit même tirer l'épée pour exiger leur dû et... l'obtenir enfin.
J'ai peine à croire à la cécité de l'Empereur sur ce point, tout comme à son indifférence à propos de cette situation scandaleuse qui lui a coûté des effectifs importants qui lui feront défaut plus tard. Certes, on lui remettait des rapports truqués, des chiffres falsifiés, des tableaux trafiqués. Comment sa prodigieuse mémoire a-t-elle pu être prise en défaut à ce point, quand on sait qu'à la seconde, l'Empereur connaissait la situation de chacun de ses régiments.
Ces situations de temps de guerre, où les contrôles sont aléatoires quand il y en a , se tariront en temps de paix et de sédentarité des garnisons mais sans disparaître complètement.
La tutelle mortifère de l'Intendance perdurera jusqu'à la veille de la Grande Guerre. Il est heureux qu'elle ait pris fin juste à temps car les conséquences de cette boucherie auraient alors atteint des chiffres encore plus effrayants que ceux que nous connaissons.
C'est ce qu'illustre cette scène. Un chirurgien, installé dans une gasthaus, engueule littéralement un commis d'Intendance bien propre sur lui
et le menace publiquement. "Votre intendant est un jean-foutre! Allez, Monsieur, et dites-lui bien que si, demain matin, mes caissons ne sont pas là, j'irai moi-même les chercher avec mes conducteurs et gare à qui s'y opposera! Je manie l'épée aussi bien que le scalpel!".
A la droite du chirurgien assis, un médecin régimentaire. A l'autre table à sa gauche, un sergent infirmier secrétaire, un infirmier, et, à droite, trois hommes du Train des Equipages, un margis, un conducteur, un accompagnateur. Le personnel médical portait la tenue du corps d'attache à l'exception du collet: noir pour les médecins, écarlate pour les chirurgiens, vert pour les pharmaciens.
Les registres et portefeuilles à documents sont confectionnés en scratch, en fleur de cuir.
Les plumes sont naturelles, faites à partir de barbules d'une vraie plume de gallinacé retaillée. C'est un boulot de patience.
Cheminée en bois réel. Cendres en plâtre peint et bûches faites de brindilles calcinées.
That's all, Folks ! J'espère que ça vous intéressera. N'hésitez pas à poser des questions.
Armand dit gribeauval83