Bonjour,
Une revue de détail du dernier kit de la marque américaine BlueRidgeModels au 700e
Ce célèbre navire (1935-1942), le plus grand de son époque et le plus puissant navire à propulsion turbo-électrique était le chef d’œuvre de la construction navale française des années trente. Détenteur du ruban bleu plusieurs fois, alternativement avec son rival le Queen Mary, il a produit un effet important sur la société de l'époque et il reste un bateau mythique à la fois en France et aux États-Unis.
Il fut conçu par le visionnaire ingénieur russe Vladimir Yourkevitch. Celui-ci avait eu une carrière en Russie tsariste (il est le concepteur du dreadnought Sevastopol de 1911, un navire révolutionnaire). Au moment de la révolution russe, Yourkevitch, un "russe blanc", émigra en France et fut engagé chez Penhoët. Il conçut Normandie et aussi son sistership, un peu plus gros mais jamais mis en chantier, le Bretagne. Ironiquement, Yourkevitch se trouvait à New York en 1942 lorsque le Normandie prit feu, mais la direction des pompiers de la ville ne fit pas appel à lui. L'US Navy se décida à faire appel à ses services... pour les opérations de renflouage.
Yourkevitch émigra finalement aux USA en 1937. Un an plus tard il avait conçu plus de 42 navires. Après la Guerre il travailla au projet d'un super paquebot de 6 000 passagers qui fut abandonné. Il mourut en 1964 à New York.
Normandie dans son état initial de 1935 (en haut), puis dans son état après la refonte de 1936-37. Le kit offre la possibilité de construire les deux versions, ainsi que la version transport de troupe de 1942.
La version transport de troupe sous la bannière de l'US Navy. Normandie est rebaptisé USS Lafayette (AP-53). Le kit fournit les pièces et armement nécessaire pour la réaliser. Le schéma de camouflage est reconstitué d'après les photos couleur du naufrage mais n'est pas garanti à 100%.
La Compagnie Générale Transatlantique avait décidé que ce navire exceptionnel n'aurait pas d'article devant son nom. Ainsi on devait (doit ?) dire "Normandie" et non "le Normandie".
Normandie possédait une propulsion turbo-électrique. Des chaudières produisaient de la vapeur à haute pression qui faisait tourner des turbines, entrainant un alternateur pour produire de l'électricité. Dans un autre compartiment, l'électricité alimentait des moteurs électriques géants qui attaquaient directement les lignes d'arbre. Cela permettait de transmettre une très grande puissance (160 000Cv sur quatre lignes d'arbre). Seuls, les très gros navires avaient droit à ce type de propulsion : pour les américains, citons les porte-avions Lexington et Saratoga et les cuirassés des classes Colorado et South Dakota (non construits). Plus tard on réussit à mettre au point le réducteur nécessaire pour entrainer des lignes d'arbres directement derrière une turbine à vapeur (qui tourne très vite) et la propulsion turbo-électrique s’effaça au profit de cette nouvelle machine plus compacte. Normandie garda cependant le turbo-électrique qui avait l'immense avantage de fournir la pleine puissance en marche arrière (ce que la turbine ne peut pas faire). Le turbo-électrique produisait aussi moins de vibrations, ce qui était intéressant pour le confort des passagers.
Au début Normandie avait quatre hélices tripales, mais en 1937 elles furent remplacées par des hélices quadripales qui atténuèrent les vibrations.
Les deux jeux d'hélice en impression 3Dfournies dans le kit :
Yourkevitch avait conçu une coque révolutionnaire munie d'un bulge à l'avant : ainsi le grand navire se déplaçait sans faire de vague en fendant l'eau.
En 1937 on envisagea un compagnon à Normandie, le SS Bretagne. Plus grand, le projet "radical" de Yourkevitch proposait un désign très moderne avec une très long pont ouvert et deux cheminées côte à côte.
Comparatif de Normandie et Bretagne (source ship bucket) :
Une maquette de Bretagne :
Lors de la refonte de Normandie en 1937 la passerelle fut modifiée comme le propose le kit. A gauche la passerelle d'origine, à droite la passerelle agrandie :
En septembre 1939 Normandie se trouvait à New York au moment de la déclaration de guerre et fut aussitôt interné par les américains. Un équipage français assurait la maintenance et la surveillance à quai, supervisé par l'US Coast Guard. Celle-ci fut bientôt intégrée à l'US Navy et cinq jours après Pearl Harbor la marine américaine prit le contrôle de Normandie et débarqua le capitaine Hervé Lehude, son commandant français. L'entretien fut pris en main par les américains mais ils laissèrent tomber le complexe système de lutte incendie du navire. Le 20 décembre 1941, Roosevelt approuvait l'incorporation de Normandie dans l'US Navy sous le nom de Lafayette. Après avoir brièvement envisagé d'en faire un porte-avions, la décision de le transformer en transport de troupe fut prise fin décembre pour un achèvement des travaux prévu un mois plus tard.
La très grande taille du navire rendit la transformation plus complexe et plus longue que prévu. La main d’œuvre était insuffisante et parfois sous-qualifiée.
Le kit propose un ensemble de canons et 100 radeaux en impression 3D pour transformer Normandie en USS Lafayette :
Le 9 février 1942 des flammèches projetées d'un chalumeau enflammèrent un tas de veste de sauvetage en kapok dans le salon des premières classes. Les locaux étaient encore encombrés d’échafaudages en bois et le complexe système anti incendie avait été désactivé lors de la conversion. Les bouches à incendie métriques du navire n'étaient pas compatibles avec le matériel des pompiers de New York et un vent du Nord-Ouest attisait bien les flammes.
Très vite l'incendie devint incontrôlable. Le navire était arrosé depuis le quai et les bateaux spécialisés tout autour. Yourkevitch proposa de saborder le navire pour qu'il se remplisse d'eau et coule verticalement sur le fond vaseux mais la proposition fut refusée par l'amiral américain. Le navire continua de se remplir d'eau (6 000t en tout) et sa stabilité fut mise en péril. Il finit par se coucher sur bâbord au milieu de la nuit, définitivement perdu.
Des rumeurs de sabotage coururent et Alfred Hitchcock s'en inspira dans son film "Saboteur" ("Cinquième colonne" en français). Le vilain passe en voiture devant l'épave et sourit comme s'il appréciait l'une de ses œuvres. Hitchcock, d'ailleurs, s'attira les foudre de l'US Navy pour avoir laissé entendre que la sécurité était insuffisante. Enfin une commission d'enquête infirma la thèse du sabotage et pointant une accumulation d'erreurs, de violation de règles, d'incompétence, de négligence et de mauvaises décisions.
Les planches de photo découpe. Planche générale, une petite planche pleine de transats, une planche comprenant les encadrements des fenêtres et une planche de bastingages :
En 1943 le navire fut débarrassé de sa superstructure puis redressé et renfloué. On envisagea de le transformer en transport d'aviation. Cependant les équipements intérieurs et la machine étaient trop endommagés par le séjour dans l'eau et la main d’œuvre trop restreinte au plus fort de la Guerre et tout travail fut abandonné.
L'épave fut rayé des listes en octobre 1945, vendue et remorquée jusqu'à Newark où elle fut démantelée entre 1946 et 1948.
La drôme imposante du paquebot, les nombreux bossoirs et les treuils :
Les "grandes pièces" du kit :
Des lampadaires particulièrement fins :
Cerise sur le gâteau : l'eau de la piscine avec vaguelettes :
Les décals pour la signalétique et les cours de tennis :
La mâture en laiton tourné :
La luxueuse notice en couleur :
En résumé : un très gros kit, très complet et conçu pour un "trois en un". Il permet de réaliser deux versions de Normandie ou le Lafayette. Le moulage est très correct mais les pièces 3D sont assez cassantes et à manier avec précautions. La coque peut s'assembler "waterline" ou entière et, assez rare pour un kit résine, les deux parties s'emboitent très bien sans trop de travail de raccord à réaliser.
Le kit est produit en série limitée de 500 (j'ai le no 9) et il semble avoir pas mal de succès en Amérique.
En France, il est distribué par l'Arsenal 2.0.
_Bruno
_________________
Hi Bob!
C'est curieux chez les marins ce besoin de faire des phrases
Si Vis Pacem Parafilmum
La sous-couche, c'est un apprêt que l'on met avant
Si on bricolait plus souvent on aurait moins la tête aux bêtises
Omnes stulti, et deliberationes non utentes, omnia tentant
Une journée au cours de laquelle on n'a pas ri est une journée perdue
Espérons que le fond de la mer est étanche
Oh, ça c'est le Quacta qui se moque du Stifling
Telle est la Voie !
Une revue de détail du dernier kit de la marque américaine BlueRidgeModels au 700e
Ce célèbre navire (1935-1942), le plus grand de son époque et le plus puissant navire à propulsion turbo-électrique était le chef d’œuvre de la construction navale française des années trente. Détenteur du ruban bleu plusieurs fois, alternativement avec son rival le Queen Mary, il a produit un effet important sur la société de l'époque et il reste un bateau mythique à la fois en France et aux États-Unis.
Il fut conçu par le visionnaire ingénieur russe Vladimir Yourkevitch. Celui-ci avait eu une carrière en Russie tsariste (il est le concepteur du dreadnought Sevastopol de 1911, un navire révolutionnaire). Au moment de la révolution russe, Yourkevitch, un "russe blanc", émigra en France et fut engagé chez Penhoët. Il conçut Normandie et aussi son sistership, un peu plus gros mais jamais mis en chantier, le Bretagne. Ironiquement, Yourkevitch se trouvait à New York en 1942 lorsque le Normandie prit feu, mais la direction des pompiers de la ville ne fit pas appel à lui. L'US Navy se décida à faire appel à ses services... pour les opérations de renflouage.
Yourkevitch émigra finalement aux USA en 1937. Un an plus tard il avait conçu plus de 42 navires. Après la Guerre il travailla au projet d'un super paquebot de 6 000 passagers qui fut abandonné. Il mourut en 1964 à New York.
Normandie dans son état initial de 1935 (en haut), puis dans son état après la refonte de 1936-37. Le kit offre la possibilité de construire les deux versions, ainsi que la version transport de troupe de 1942.
La version transport de troupe sous la bannière de l'US Navy. Normandie est rebaptisé USS Lafayette (AP-53). Le kit fournit les pièces et armement nécessaire pour la réaliser. Le schéma de camouflage est reconstitué d'après les photos couleur du naufrage mais n'est pas garanti à 100%.
La Compagnie Générale Transatlantique avait décidé que ce navire exceptionnel n'aurait pas d'article devant son nom. Ainsi on devait (doit ?) dire "Normandie" et non "le Normandie".
Normandie possédait une propulsion turbo-électrique. Des chaudières produisaient de la vapeur à haute pression qui faisait tourner des turbines, entrainant un alternateur pour produire de l'électricité. Dans un autre compartiment, l'électricité alimentait des moteurs électriques géants qui attaquaient directement les lignes d'arbre. Cela permettait de transmettre une très grande puissance (160 000Cv sur quatre lignes d'arbre). Seuls, les très gros navires avaient droit à ce type de propulsion : pour les américains, citons les porte-avions Lexington et Saratoga et les cuirassés des classes Colorado et South Dakota (non construits). Plus tard on réussit à mettre au point le réducteur nécessaire pour entrainer des lignes d'arbres directement derrière une turbine à vapeur (qui tourne très vite) et la propulsion turbo-électrique s’effaça au profit de cette nouvelle machine plus compacte. Normandie garda cependant le turbo-électrique qui avait l'immense avantage de fournir la pleine puissance en marche arrière (ce que la turbine ne peut pas faire). Le turbo-électrique produisait aussi moins de vibrations, ce qui était intéressant pour le confort des passagers.
Au début Normandie avait quatre hélices tripales, mais en 1937 elles furent remplacées par des hélices quadripales qui atténuèrent les vibrations.
Les deux jeux d'hélice en impression 3Dfournies dans le kit :
Yourkevitch avait conçu une coque révolutionnaire munie d'un bulge à l'avant : ainsi le grand navire se déplaçait sans faire de vague en fendant l'eau.
En 1937 on envisagea un compagnon à Normandie, le SS Bretagne. Plus grand, le projet "radical" de Yourkevitch proposait un désign très moderne avec une très long pont ouvert et deux cheminées côte à côte.
Comparatif de Normandie et Bretagne (source ship bucket) :
Une maquette de Bretagne :
Lors de la refonte de Normandie en 1937 la passerelle fut modifiée comme le propose le kit. A gauche la passerelle d'origine, à droite la passerelle agrandie :
En septembre 1939 Normandie se trouvait à New York au moment de la déclaration de guerre et fut aussitôt interné par les américains. Un équipage français assurait la maintenance et la surveillance à quai, supervisé par l'US Coast Guard. Celle-ci fut bientôt intégrée à l'US Navy et cinq jours après Pearl Harbor la marine américaine prit le contrôle de Normandie et débarqua le capitaine Hervé Lehude, son commandant français. L'entretien fut pris en main par les américains mais ils laissèrent tomber le complexe système de lutte incendie du navire. Le 20 décembre 1941, Roosevelt approuvait l'incorporation de Normandie dans l'US Navy sous le nom de Lafayette. Après avoir brièvement envisagé d'en faire un porte-avions, la décision de le transformer en transport de troupe fut prise fin décembre pour un achèvement des travaux prévu un mois plus tard.
La très grande taille du navire rendit la transformation plus complexe et plus longue que prévu. La main d’œuvre était insuffisante et parfois sous-qualifiée.
Le kit propose un ensemble de canons et 100 radeaux en impression 3D pour transformer Normandie en USS Lafayette :
Le 9 février 1942 des flammèches projetées d'un chalumeau enflammèrent un tas de veste de sauvetage en kapok dans le salon des premières classes. Les locaux étaient encore encombrés d’échafaudages en bois et le complexe système anti incendie avait été désactivé lors de la conversion. Les bouches à incendie métriques du navire n'étaient pas compatibles avec le matériel des pompiers de New York et un vent du Nord-Ouest attisait bien les flammes.
Très vite l'incendie devint incontrôlable. Le navire était arrosé depuis le quai et les bateaux spécialisés tout autour. Yourkevitch proposa de saborder le navire pour qu'il se remplisse d'eau et coule verticalement sur le fond vaseux mais la proposition fut refusée par l'amiral américain. Le navire continua de se remplir d'eau (6 000t en tout) et sa stabilité fut mise en péril. Il finit par se coucher sur bâbord au milieu de la nuit, définitivement perdu.
Des rumeurs de sabotage coururent et Alfred Hitchcock s'en inspira dans son film "Saboteur" ("Cinquième colonne" en français). Le vilain passe en voiture devant l'épave et sourit comme s'il appréciait l'une de ses œuvres. Hitchcock, d'ailleurs, s'attira les foudre de l'US Navy pour avoir laissé entendre que la sécurité était insuffisante. Enfin une commission d'enquête infirma la thèse du sabotage et pointant une accumulation d'erreurs, de violation de règles, d'incompétence, de négligence et de mauvaises décisions.
Les planches de photo découpe. Planche générale, une petite planche pleine de transats, une planche comprenant les encadrements des fenêtres et une planche de bastingages :
En 1943 le navire fut débarrassé de sa superstructure puis redressé et renfloué. On envisagea de le transformer en transport d'aviation. Cependant les équipements intérieurs et la machine étaient trop endommagés par le séjour dans l'eau et la main d’œuvre trop restreinte au plus fort de la Guerre et tout travail fut abandonné.
L'épave fut rayé des listes en octobre 1945, vendue et remorquée jusqu'à Newark où elle fut démantelée entre 1946 et 1948.
La drôme imposante du paquebot, les nombreux bossoirs et les treuils :
Les "grandes pièces" du kit :
Des lampadaires particulièrement fins :
Cerise sur le gâteau : l'eau de la piscine avec vaguelettes :
Les décals pour la signalétique et les cours de tennis :
La mâture en laiton tourné :
La luxueuse notice en couleur :
En résumé : un très gros kit, très complet et conçu pour un "trois en un". Il permet de réaliser deux versions de Normandie ou le Lafayette. Le moulage est très correct mais les pièces 3D sont assez cassantes et à manier avec précautions. La coque peut s'assembler "waterline" ou entière et, assez rare pour un kit résine, les deux parties s'emboitent très bien sans trop de travail de raccord à réaliser.
Le kit est produit en série limitée de 500 (j'ai le no 9) et il semble avoir pas mal de succès en Amérique.
En France, il est distribué par l'Arsenal 2.0.
_Bruno
_________________
Hi Bob!
C'est curieux chez les marins ce besoin de faire des phrases
Si Vis Pacem Parafilmum
La sous-couche, c'est un apprêt que l'on met avant
Si on bricolait plus souvent on aurait moins la tête aux bêtises
Omnes stulti, et deliberationes non utentes, omnia tentant
Une journée au cours de laquelle on n'a pas ri est une journée perdue
Espérons que le fond de la mer est étanche
Oh, ça c'est le Quacta qui se moque du Stifling
Telle est la Voie !