Oui Mike, tellement de mal à s'imposer, qu'en fait il est le plus grand pourvoyeur de pilotes MPLF dans cette très courte guerre. Je me permet de poster un historique de la machine, pour mieux situer le débat, si les modérateurs le juge déplacé, n'hésitez pas à le faire disparaître
MORANE-SAULNIER 406, LE MEILLEUR CHASSEUR DU MONDE ?
Ce Morane MS 405, imaginé et dessiné par le bureau d’études de Morane-Saulnier à Puteaux, en proche banlieue parisienne, était présenté à l’époque, par les mêmes « hérauts » déjà évoqués, entre autres la presse, comme le meilleur chasseur du monde, ou pas bien loin.
Le 8 août 1935 le prototype décollait. En fait il était prêt, comme bien souvent avec le ministère, avant le document administratif réglant son avenir !
La commission chargée de l’examiner et de le tester sembla lui trouver uniquement des points positifs, les modifications réclamées étant du niveau anecdotique. La version approximative du MS 405 sera à nouveau testée au printemps 1937, reprenant les remarques de la commission et les modifications décidées par le constructeur lui-même.
Si les deux prototypes tueront leurs pilotes durant les essais et autres présentations, la machine n’avait pas la moindre responsabilité dans ces drames, l’avion ayant quand même atteint 483 km/h, restant toutefois fort éloigné des chiffres indiqués peu avant pour les chasseurs anglais et allemands contemporains. Le MS 406, sa version définitive, c’était 100 km/h de moins et moitié moins d’armement que les Me 109.
La psychose des bruits de bottes aidant, on essaya de croire en haut lieu dans ce Morane, comme ils crurent dans le Potez 540 et dans tant d’autres. Une présérie de 16 appareils fut donc commandée le 1er mars 1937, alors que Messerschmitt 109, Hurricane et Spitfire volaient déjà… bien plus vite, le Dewoitine 520 sortant des limbes.
Pour ne pas changer une équipe qui perd, les sorties de l’avion seront plus tard fortement retardées, en partie par les livraisons des moteurs Hispano-Suiza, 30 par mois sur les 140 prévus !
Le fameux Hispano-Suiza de la série des 12 Y. Bénéficiant d’un quasi-monopole dans la construction de moteurs à refroidissement liquide d’une certaine puissance, l’entreprise se contentait de retouches, améliorant, le moins possible un schéma de base, le 12 cylindres en V datant de 1923 !
Le résultat ? Un moteur totalement aux indices de performances faibles, nettement inférieurs à ceux de ses concurrents étrangers, dépassé techniquement, doté d’un rendement déplorable, camouflé partiellement dans une augmentation constante de la cylindrée. Il obligeait le ministère de l’Air (pour une fois), à limiter ses prétentions, dans les dernières évolutions du programme de chasseurs à une vitesse de 520 km/h, que seule la qualité de finesse du Dewoitine permit de dépasser, laissant quand même un différentiel de vitesse avec les concurrents, Anglais ou Allemand.
Mais hors cette imposition des faits, qu’est-ce qui poussait le dit ministère à continuer à passer des commandes aussi nombreuses pour un moteur aussi périmé ?
Bien sûr l’entreprise avait-elle dans ces cartons le 12 Z, le même que la version Y, mais avec des culasses à 4 soupapes par cylindres et peut-être l’injection. Seulement, sans doute pour économiser sur les coûts de recherche/développement, la concrétisation vint trop tard, tellement tard d’ailleurs que nous sommes obligé de croire qu’il aurait été bien meilleur… en série
Certains aspects de la construction de cet appareil étaient certes novateurs, comme le revêtement de la voilure en Plymax, nouveau matériau pour l’époque, ancêtre des composites actuels, formé par le collage d’une feuille d’aluminium sur un panneau de contreplaqué, ou l’utilisation d’Elektron, alliage d’aluminium et de magnésium.
Toutefois l’ensemble était complexe, ressemblant à une autosatisfaction d’ingénieur, mais pas à l’étude d’un avion devant affronter une construction de grande série. 12 500 heures de temps de montage, contre 8000 pour un Dewoitine 520 également monoplace monomoteur et 7500 pour un Potez 63 bi ou triplace bimoteur. Son prix aussi était rédhibitoire. 864 000 francs sans le moteur et les accessoires le plaçait bien au-dessus des concurrents évoqués. Le temps de réalisation n’était d’ailleurs pas étranger, au moins partiellement, à ce différentiel de coût. Il composera malgré tout les 2/3 de la chasse à l’aube de l’assaut.
Il sera, avec le Potez 63, le seul avion français à passer la barre mythique des 1000 exemplaires produits avant la débâcle de juin 1940. Nombre remarquable à plusieurs titres en ce qui concerne le Morane, sa complexité structurelle étant défavorable à toute production de grande série, je l’ai abordé un peu avant.
Comment le ministère de l’Air avait-il pu choisir cet avion au vu de toutes les tares industrielles qu’il pouvait véhiculer ??
L’armement comprenait un canon de 20 mm Hispano-Suiza monté dans le V formé par le moteur et tirant par le moyeu de l’hélice, 60 obus, quasiment rien ou 10 secondes de feu et deux mitrailleuses MAC 34 de calibre 7,5 mm montées dans les ailes, des pétoires assez inoffensives, surtout comparées à l’équipement de combat du Messerschmitt 109, son futur adversaire.
Le MS 406 de série fera son premier vol le 1er juin 1938, au sortir de l’usine de Nantes Bouguenais. Les remarques des premiers utilisateurs opérationnels, dans un contexte de paix, amenèrent des modifications, mais l’essentiel resta en l’état.
Ses qualités, nous le verrons plus loin étaient bien en deçà des satisfecit officiels, sans parler de l’incapacité chronique de l’industrie aéronautique française à une quelconque réelle efficacité à cette époque
A la déclaration de la guerre et au vu de toutes les contraintes évoquées, les 572 MS 406 sortis des chaînes représentaient seulement 60% des prévisions du plan !
Relativisons quand même, l’anarchie militaire battait aussi son plein, laissant 150 MS 406 prêts à voler dans les parcs, quelques escadres s’entraînant encore sur des Spad 510 antédiluviens.
Le « meilleur chasseur du monde » ; encensé par la commission l’ayant testé, perdit beaucoup de sa superbe lorsqu’en fin 1939, il put être comparé à un Messerschmitt Me 109 E capturé.
Le côté accablant de ce face à face n’inquiéta pas plus que cela en haut lieu, position assez normale quand on ne sait même pas à quoi peut servir un avion de première ligne efficace, mais les doléances de tous ordres pleuvaient depuis quelques temps, venant des utilisateurs, bien français ceux-là :
- Absence de blindage ! On croit rêver. L’ordre urgent (sic) de réaliser une seule plaque dorsale, à peine suffisante pour arrêter une balle de calibre 7,7 mm, ne sera donné qu’en octobre suivant (1939 !), après la déclaration de la guerre. L’ennemi déclaré, le Messerschmitt 109, disposait de canons de 20 mm et de mitrailleuses de 13,7 mm, en nombre suffisant, donnant une idée plus précise de l’intérêt porté, au ministère de l’Air, à la vie des pilotes.
- Faible puissance de feu des mitrailleuses (qui l’eut cru avec un pareil calibre ?) souvent bloquées, de plus, par le gel en haute altitude.
- Tir en déflexion manquant d’efficacité, en grande partie à cause d’un temps mort de quelques dixièmes de seconde, résultat de la longueur des lignes pneumatiques d’alimentation des mitrailleuses.
- Emplacement du bouchon du réservoir principal de carburant mal placé, il fallait de 15 à 20 minutes pour assurer son remplissage, autant dire une éternité lorsque les aérodromes sont constamment menacés par l’ennemi. Vous avez dit opérationnel ?
- Fatigue et usure rapide des moteurs Hispano-Suiza, réduisant encore les performances d’une machine n’ayant pas besoin de cela. Bon nombre abandonneront leur pilote le 10 mai 1940, peu habitués à de tels efforts continus.
- Bris de béquilles et détérioration de l’empennage en roulement sur des sols non préparés (cas le plus courant)
- Manque de rétroviseurs. Quand on sait que la majeure partie des attaques aériennes réussies viennent de l’arrière, ce point soulevé n’est pas anecdotique.
Les louanges réelles sur l’agrément de pilotage, la maniabilité et l’efficacité du canon avaient bien du mal à contrebalancer les critiques portant sur des points importants sinon vitaux pour les pilotes et leur survie au combat.
Les résultats généraux de la Campagne de France montreront combien les nombreuses victoires acquises sur MS 406, au-delà de l’irresponsabilité de l’Etat-major, furent payées trop cher.
Trop cher en vies humaines parmi nos pilotes, pour cause d’armement trop léger, laissant par contre la chance aux adversaires de sauver la leur.
Le MS 406 fut le moins efficace de nos chasseurs, 75 des 144 pilotes de chasse tués durant cette période le furent à son bord, même s’il est vrai qu’il était le plus employé dans les escadrilles.
La faiblesse des résultats, la réduction des stocks d’avions en bon état et les récriminations des commandants de groupes utilisant cette machine accéléreront, fin mai 1940, trop tard bien sûr, la transformation des unités sur un matériel plus moderne.
A l’armistice, le 25 juin 1940, seuls quatre groupes de chasse de l’armée de l’Air sur quatorze en métropole étaient encore sur MS 406.
Cherchons confirmation (ou non) ailleurs de cette inadaptation.
Les férus d’Histoire se souviennent sans doute de la « guerre d’hiver » déclenchée par Staline contre la Finlande neutre et qui faillit se terminer par une déculottée pour le petit père des peuples.
A Helsinki, la plaisanterie en vogue à l’époque, était de dire qu’un Finlandais valait dix Russes, le seul problème se situant à l’arrivée du onzième.
La Finlande cherchait bien sûr de l’armement moderne chez tous ceux pouvant l’aider, son statut de pays neutre ne l’ayant pas préparé à ce genre de menace.
La France avait un large déficit des moyens militaires mis en place avant la toute prochaine confrontation. Toujours égale à elle-même dans la série de la nation aux largesses bien connues, elle trouva le moyen de se démunir d’un nombre important d’armes, lourdes et légères, de munitions et même d’avions.
170 appareils de tous types, dont des chasseurs et des bombardiers qui nous manquaient tant furent ainsi cédés.
Outre la Finlande en début d’année, ces cadeaux iront aussi en Turquie et en Roumanie en mars suivant.
La France proposa donc, en janvier, de céder 50 Morane 406 à la Finlande (en fait 30 seulement seront expédiés). Après un remontage en grand secret en Suède voisine, la livraison sur le théâtre des opérations aura lieu du 4 au 29 février 1940.
Après quelque utilisation de cette machine, l’avis des pilotes Finlandais ne faisait pas dans la nuance.
Avion instable ayant tendance à partir à la verticale après un virage, sans équipement radio, sous motorisé ce qui lui donne une mauvaise vitesse de montée et des performances douteuses dans les virages. Il était aussi noté un armement totalement insuffisant (cette version expédiée ne possédait même pas le canon Hispano-Suiza !) et un blindage symbolique.
Fermez le ban !
On retrouvait bien les critiques générales émises par les Français.
Comme élément complémentaire permettant de conforter notre jugement, ces appareils fournis au moment de la guerre d’hiver (1939/40) et malgré les défauts listés plus haut, durent continuer de remplir, tant bien que mal leur mission, le conflit finlando-soviétique en étant seulement à ses débuts.
Ces machines furent donc également engagées lors de la guerre de Continuation (1941) et leur rapport victoires/pertes fut de 70 à 5, ce qui est bien, mais contre des adversaires soviétiques antédiluviens (I-153 et I-16, Polikarpov R 5, principalement). Il supplantait là le Curtiss Hawk H-75A-3 avec 52 à 5, mais était ridiculement faible comparativement aux scores du Brewster Buffalo (Model 239) avec 135 à 0 contre les mêmes avions. Les trois avions cités correspondaient à la même époque de création.