A la suite de ce même texte, Pétain énumère quelques actions gaullistes contre les Français, et la première évoquée
est bien sûr l’offensive sur Dakar. Pour lui, de Gaulle avait nuit aux intérêts de la France au nom de ses intérêts personnels,
au point de faire attaquer les Français les uns contre les autres.Qu’on le veuille ou non, en prenant pour exemple la Bataille de Dakar,
c’est un fait incontestable. De Gaulle n’a jamais cherché à éviter un conflit entre habitants de l’Empire Français,
alors qu’il aurait pu le faire, mais il lui aurait été impossible de se légitimer et donc de se montrer comme l'nuique sauveur de la nation. Alors il est indiscutable que Pétain ait changé de comportement après et à cause de l’Opération Menace,
car il lui fallait défendre le territoire qui menaçait de sombrer dans la guerre civile déclenchée par le général français et soutenu
par Churchill.
De Gaulle et Churchill, responsables de l’Entrevue de Montoire ?
Dès début octobre 1940, Pétain entend faire la paix avec tous ses voisins, aussi bien Britanniques que Allemands.
En effet, voici ce qu’il déclare à la radio le 11 de ce mois :
"Indépendante du revers de ses armes, la tâche que la France doit accomplir l'est aussi, et à plus forte raison, des succès
et des revers d'autres nations qui ont été, dans l'histoire, ses amies ou ses ennemies.
Le régime nouveau, s'il entend être national, doit se libérer de ces amitiés ou de ces inimitiés, dites traditionnelles, qui n'ont,
en fait, cessé de se modifier à travers l'histoire pour le plus grand profit des émetteurs d'emprunts et des trafiquants d'armes.
Le régime nouveau défendra, tout d'abord, l'unité nationale, c'est-à-dire l'étroite union de la Métropole et de la France d'outre-mer.
Il maintiendra les héritages de sa culture grecque et latine et leur rayonnement dans le monde. Il remettra en honneur le véritable nationalisme, celui qui, renonçant à se concentrer sur lui-même, se dépasse pour atteindre la collaboration internationale.
Cette collaboration, la France est prête à la rechercher dans tous les domaines avec tous ses voisins. Elle sait d'ailleurs que,
qu'elle que soit la carte politique de l'Europe et du monde le problème des rapports franco-allemands, si criminellement traité
dans le passé, continuera de déterminer son avenir.
Sans doute, l'Allemagne peut-elle, au lendemain de sa victoire sur nos armes, choisir entre une paix traditionnelle d'oppression,
et une paix toute nouvelle de collaboration."
Comme nous l’avons déjà dit, le Maréchal considérait que des accords avec l’Allemagne étaient indispensables pour diverses raisons,
telles que l’allégement des dettes ou la libération de prisonniers qui étaient au nombre 1,5 millions au moment de l’armistice.
Cependant, le dirigeant de la France sait très bien qu’une attaque anglo-gaulliste peut se reproduire de nouveau.
Ils avaient échoué à Dakar, alors ils allaient sans doute recommencer à forcer la barrière.
Défendre l’Empire Français contre les agresseurs était donc nécessaire, même s’il souhaitait en même temps faire la paix
avec tous les pays, quel que soit le camp.
Alors le 24 octobre 1940, Pétain rencontre Hitler à Montoire, dans le Loir et Cher. Pourquoi ?
Le procès verbal de la conversation du 24 octobre 1940, signé par Paul Schmidt et paru en 1961, évoque l’entretien entre Pétain
et Hitler. Peu d’historiens l’ont mentionné, à part François Delpha dans son Montoire (Albin Michel, 1996, p. 438-444),
mais qui a un esprit totalement partisan et anti-Pétain, ainsi que Marc Ferro dans son Pétain (Hachette, 2009, p. 188-193),
qui est plus objectif sans l’être à 100%. Voici un résumé que j’ai déjà accompli dans un autre article
(http://realite-histoire.over-blog.com/article-22506257.html) :
Tout d'abord, Pétain s'est dit heureux de rencontrer Hitler, même si l'atmosphère était tendue.
Le Maréchal lui rappelle qu'à la place du gouvernement français, il n'aurait jamais déclaré la guerre à l'Allemagne tant leur supériorité militaire était évidente en 1939. Alors qu'il était ambassadeur en Espagne, il avait en vain demandé à deux reprises
pour reprendre ses fonctions au sein du Conseil supérieur de la guerre. Il n'a l'accord de revenir qu'en mai 1940,
c'est-à-dire en pleine débacle, à un moment ou tout était perdu. Puis Pétain annonce le souhait de renforcer la défense
de ses colonies d'Afrique face à l'Angleterre et les gaullistes.
Selon Paul Schmidt, l'ancienne alliée de la France "s'était incroyablement mal comportée envers elle".
En effet, alors que l'Etat Français avait évité l'occupation totale de la métropole par l'Allemagne, le royaume de Grande-Bretagne
le poignarde dans le dos. Quant à De Gaulle, il avait trahi sa patrie en déclenchant une guerre franco-française à Dakar
le 23 septembre 1940, chose stupide et qui avait un impact négatif pour la cohésion de l'armée française et la préservation de l'Empire.
Le Führer explique qu'il n'avait pas désiré cette guerre contre la France, mais qu'il était normal qu'elle en paye les frais.
Ensuite, il indique qu'il luttera jusqu'à l'anéantissement de l'Angleterre et parle des opérations aériennes en Grande Bretagne.
Pour Hitler, c'est cet Etat qui devait payer la plus grande part dans la guerre.
Cependant, le futur traité ne devra pas être un traité d'oppression car cela risque d'empêcher l'établissement de rapports harmonieux
entre les peuples. Il fallait, il est vrai, répartir les responsabilités et encourager ceux qui voulaient prendre un nouvel essor
dans de meilleures conditions.
D'après Pétain, le chef du Reich prévoyait un encerclement de l'Angleterre sur toutes les mers et par tous les pays voisins limitrophes.
Si la France s'alliait à ce projet, c'est-à-dire le seul pays voisin de la Grande-Bretagne à ne pas être entièrement sous domination allemande, alors l'Angleterre ne pourra pas survivre longtemps.
Cependant, les limites de la coopération ne pouvaient être connues immédiatement. Pétain accepta les principes d'une collaboration,
mais lui préférait s'attarder sur les possibilités militaires en Afrique où l'Angleterre était l'assaillant.
Sa volonté est visible, il souhaitait avant-tout sauvegarder l'Empire français contre tout intrus. De plus, si le Maréchal déclare
directement la guerre contre l'Angleterre, il devrait faire appel au gouvernement, ce qu'il n'avait guère envie de faire.
On peut donc prévoir une coopération, mais il faut agir avec prudence. Ensuite, le chef de la France exprima son admiration
sur l'armement du Reich, et reconnu qu'il n'avait jamais connu de personne qui soit parvenu à des résultats gigantesques.
A la fin de cet entretien, Philippe Pétain se déclara prêt à prendre en considération le principe d'une coopération avec Adolf Hitler
et exprime sa satisfaction.
Le 24 octobre 1940 a Montoire
Malgré tout, Marc Ferro indique clairement une distinction entre Laval et Pétain qui n'abordaient pas la discussion de la même manière.
En effet, Pierre Laval évoquait déjà son souhait d'une défaite anglaise, et remercie Hitler en déclarant accepter avec gratitude
le principe de la collaboration qu'il propose.
Au contraire, Pétain demeure froid comme à son habitude, avec un certain retrait. Par ailleurs, un nouveau malentendu émerge.
Le Führer avait demandé que la France aide le Reich à acquérir des positions en Afrique. Mais d'après le Maréchal, la France
a déjà ses positions à défendre et accepter cette collaboration doit engendrer une contrepartie.
Toujours d'après Ferro, Pétain "considère qu'en assurant l'Allemagne qu'il défendra l'Empire français, il fait le maximum pour l'Allemagne." (Marc Ferro, Pétain, Hachette, 2009, p. 191).
Les résultats souhaités se sont pas satisfaisants pour les Allemands et le projet évoqué ne sera jamais appliqué.
En effet, après la guerre, le diplomate allemand von Renthe-Finck dira que Montoire "constitue la plus grande défaite de la politique allemande vis-à-vis de la France. Nous n'y avons rien obtenu [...] si il n'y avait pas eu Montoire, il n'y aurait probablement pas eu
de débarquement allié en Afrique du Nord." Le docteur Schmidt, qui est aussi traducteur d'Adolf Hitler et auteur de Ma figuration
auprès de Hitler, conclut la relation de l'entrevue dans ses mémoires par ces mots chargés de sens :
"Je suis enclin à considérer le vainqueur de Verdun comme celui qui l'a emporté diplomatiquement dans le duel de Montoire."
(Paul Schmidt, Ma figuration auprès de Hitler, Editions Plon, 1950).
Lors de l'entrevue de Montoire, Hitler était prêt à céder en échange d'un engagement de la France contre l'Angleterre,
mais Pétain se montrait prudent et souhaitait s'engager avec modération. Yves Bouthillier, le ministre des finances de l'époque,
le confirme au Conseil des ministres le 26 octobre :
"Entrevue sans grande portée. Hitler a parlé tout le temps. Il a fait étalage de moyens militaires avec lesquels aucune force du monde n'est capable de se mesurer. Le Maréchal a accepté le principe d'une collaboration, c'est à dire un pacte de cohabitation
entre la puissance occupée et la puissance occupante. Il n'a pris aucun engagement. Son espoir était que sa rencontre avec le maître
du Reich et l'assurance qu'il lui avait donnée d'un respect loyal de la convention d'armistice rendrait plus efficace désormais
les efforts des ministres militaires de réarmer la France, des ministres civils pour la faire vivre, et les siens pour le retour des prisonniers." (Yves Bouthillier, Le drame de Vichy, Tome I : Face à l'ennemi, face à l'allié, p. 198).
Cependant, la coopération militaire envisagée n’est sans doute pas le seul sujet évoqué par les deux chefs d’Etats.
Selon Paul Schmidt, Pétain souhaitait s'entretenir sur cinq points :
les prisonniers, les frais d’occupation, les départements du nord, l’Alsace et la ligne de démarcation.
Nous ignorons si ces points ont été évoqués, mais nous savons que le Maréchal n'a jamais parlé de l'Alsace lors de cet entretien
puisqu'il l'avoua lors d'une conversation à du Moulin de Labarthète. D'ailleurs, le Chef d'Etat ajouta qu'aucun accord immédiat
a été pris (Marc Ferro, Pétain, Hachette, 2009, p. 192-193).
Et dans une lettre envoyée au général Weygand, que j’ai repris dans la première partie concernant un double jeu de Pétain,
ce dernier indique également « J’ai pu leur affirmer, car c’est la vérité, qu’il n’avait été question que d’une collaboration de principe. Aucune modalité n’avait été envisagée. Je me suis d’ailleurs borné, dans cette entrevue, à réclamer l’amélioration du sort des prisonniers, du ravitaillement, des communications entre les deux zones et la suppression de la ligne de démarcation, etc. ».
Puis il ajoute que « Je ferai en sorte qu’elle ne pose pas sur les considérations d’ordre économique, ou sur la défense de notre empire africain, en écartant toute idée d’agression contre l’Angleterre. Je suis bien résolu à ne m’associer, pour cette tâche, ni aux Italiens
et ni aux Allemands. » (Philippe Pétain, Actes et Ecrits, Flammarion, 1974, p. 576-577, et Maxime Weygand, Mémoires, Tome III, appendice X).
Autrement dit, une coopération militaire est envisagée, même elle n’est aucunement souhaitée par le Maréchal.
Que plusieurs personnes indiquent ces points secondaires de l’entretien (tels le sort des prisonniers, la ligne de démarcation
ou le ravitaillement), même s’ils ne figurent pas dans le procès verbal de la conversation du 24 octobre 1940, cela ne peut être le fruit
du hasard. Chacun ne regardait pas ce qu’écrivait l’autre pour copier la même chose.