Les conventions japonaises pour le choix des noms de leurs navires sont très différentes de celles ayant cours dans les pays occidentaux. Aucun navire ne fut jamais nommé en hommage à une personne. Jusqu’à la deuxième guerre mondiale, les conventions évoluèrent avant de se fixer.
Le mot maru (丸, signifiant “cercle") est souvent attaché aux noms de navires japonais. Il y a plusieurs théories sur l’origine de ce nom.
• Théorie la plus commune : Les navires étaient considérés comme des châteaux flottants et maru fait donc référence aux cercles défensifs entourant le navire.
• Le suffixe maru est associé à une chose que l’on chérit. Les marins nippons étant comme tous les marins, ils aimaient leurs navires et appliquaient ce suffixe à leurs navires.
• Le terme maru se réfère à une divination qui représente une perfection on un accomplissement, comme si le navire était un monde en lui-même.
• La légende du Hakudo Maru, une créature célèste qui vint sur terre apprendre aux hommes à construire des bateaux. On dit que le mot maru aide à garantir une protection céleste pour les voyages.
• Au cours des siècles, seuls les bâtiments civils (ou non armés) portèrent ce suffixe. Il était (et est toujours) considéré comme un porte-bonheur permettant à un navire de quitter le port, de voyager autour du monde et de rentrer sain et sauf, accomplissant lui aussi un cercle complet.
De nos jours, les navires commerciaux (ferries, tanker, etc.…) comme la plupart des navires privés suivent toujours cette convention.
Le premier navire connu ayant porté ce suffixe est le Nippon Maru, navire amiral de la flotte du daimyo Toyotomi Hideyoshi au XVIeme siècle.
Lorsque la Marine Impériale Japonaise fut formée, le ministère de la Marine soumit deux noms pour chaque navire à l’approbation de l’Empereur. Dans les premières années, les navires étaient souvent offerts par le Shogun ou par les différents clans. Dans ces cas précis, les navires gardaient le nom du clan donateur.
En 1891, la procédure changea encore suite aux évolutions du mode de gouvernement. Deux noms de navires étaient soumis par le ministre de la marine au chambellan qui les présentait à l’Empereur. Lequel pouvait alors soit prendre un des deux noms, soit en donner un de son cru.
Les navires capturés lors de la première guerre sino-japonaise gardèrent leurs noms chinois originaux mais avec une prononciation japonaise. Ainsi, le cuirassé Chen Yuan devint Chin’en lors de son service sous le pavillon japonais.
En 1867, le Ministre de la Marine obtint l’autorité de nommer les navires lance-torpilles sans l’agréement de l’Empereur. En 1902, il obtint cette autorité pour les destroyers.
En 1895, une proposition fut faite par le ministre de la Marine afin d’établir un certain standard. Il proposa que les cuirassés et croiseurs portent le nom de provinces ou de lieux saints dédiés à la protection du Japon. Il proposa également que les autres navires de guerre soient nommés d’après des provinces du Japon.
Les navires capturés pendant la guerre russo-japonaise furent renommés avec des noms japonais. Certains furent renommés en fonction de l’endroit où ils furent capturés, d’autres avec des aspects de cette guerre (qui, rappelons-le vit la 1ere défaite de l’histoire d’une nation occidentale contre une nation asiatique) ou encore le mois de leur capture. D’autres encore furent renommés à la sauce japonaise tout en restant proche de leur nom d’origine (par exemple, l’Angara devint l’Anegawa).
En 1921, le ministre obtint toute autorité pour nommer les navires à l’exception des cuirassés, croiseurs de bataille et croiseurs. Dans tous les cas, la marine devait en avertir le palais impérial dans les plus brefs délais.
Pendant le second conflit mondial, un système complet et standardisé vit le jour. Les catégories principales sont décrites ici avec des exemples :
• Porte-avions — Oiseaux ou animaux mythiques volants.
o Hiryū (飛龍) Dragon volan
o Jun'yō (隼鷹) Faucon pèlerin
• Cuirassés (y compris ceux convertis en porte-avions) — provinces
o Nagato (長門) province du Nagato
o Yamato (大和) province du Yamato (mais également nom originel du Japon, symbolique extrèmement forte pour le plus grand cuirassé de tous les temps)
o Kaga (加賀) Province du Kaga
• Croiseurs de bataille et Croiseurs lourds (y compris ceux convertis en porte-aéronefs) — montagnes.
o Kongō (金剛) Montagne dans la préfecture d’Osaka
o Kirishima (霧島) Volcan dans la préfecture de Kagoshima
o Akagi (赤城) Volcan dans la région du Kantō.
• Croiseurs légers (y compris ceux convertis en croiseurs lourds) : Rivières
o Tone (利根) Rivière dans la région du Kantō.
o Chikuma (筑摩) Rivière dans la préfecture de Nagano.
o Suzuya (鈴谷) Rivière dans la préfecture de Karafuto (îles Sakhaline, territoire occupé par la Russie après la guerre et dont le Japon réclame toujours la restitution. C’est la raison pour laquelle aucun traité de paix n’a été signé entre ces deux pays depuis la fin de la guerre.)
• Croiseurs d’entraînement et navires-ecoles (post-1940) — Sanctuaires sacrés Shinto.
• Destroyers lourds et légers — Phénomènes météos
o Ikazuchi (雷) Tonerre
o Yukikaze (雪風) Vent neigeux.
• Destroyers légers — plantes, météo
• Vedette lance-torpilles — oiseaux
• Submersibles — pas de noms mais des numéros de série
• Ravitailleurs de sous-marins — baleines
• Navires d’escorte (post-1940) — Îles
• Destroyers Type A (post-1943) — mer, plantes
o Matsu (松) Pin
o Takanami (高波) Vague Haute
• Destroyers Type B (post-1943) — Lune, vents, nuages, saisons
o Akizuki (秋月) Lune d’Automne
o Yūgumo (夕雲) Nuage du Soir
Jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale, les noms étaient écrits en kanji. Après la reddition et à la création des Forces d’Autodefense, cette tradition fut abandonnée et les noms furent écrits en hiragana (un autre type d’idéogrammes) afin de bien marquer la différence entre la Flotte Impériale Japonaise (IJN) et la JMSDF (Japan Maritime Self Defense Force).
Traduction des noms.
C’est une spécialité anglo-saxonne (américaine surtout). En France, on préfère garder intact le nom de chaque navire (solidarité avec un autre pays pratiquant l’exception culturelle ?) La traduction littérale des caractères japonais ne représente pas forcément la manière dont le nom est perçu par les japonais. Par exemple, Akagi est probablement aussi reconnu comme le “château rouge” que Paris est “la ville lumière” en France.
Il y a aussi une tendance à traduire les noms de façon quelque peu « exotique » et imaginaire. Le Shōkaku est ainsi souvent traduit par “Grue volant au Paradis mais « Grue Volante » est une traduction plus juste. Une autre traduction fantaisiste est « Terre des Mûriers Divins” pour le cuirassé Fusō — fuso était le nom chinois d’un arbre mythique supposé pousser à l’est. En fait un ancien et poétique nom du Japon.
Pendant la guerre, la composition exacte de la flotte de combat japonaise était un secret militaire. Les renseignements navals US créèrent une base de données grâce aux photos aériennes, à l’interrogatoire des prisonniers et à l’interception des signaux radios. Inévitablement, il y eut de nombreuses erreurs d’interprétation. Certaines nous sont parvenues. Par exemple, un prisonnier de guerre rapporta après la bataille de Midway la présence d’un porte-avions nommé le Hayataka. Il s’agissair d’une mauvaise lecture des caractères 隼鷹, qui, lus correctement identifient le Junyō. De cette manière, de nombreux documents US se réfèrent à ce porte-avions Hayataka ou à la classe Hayataka.
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Lorsque les pères s'habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent plus compte de leur parole, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu'ils ne reconnaissent plus au-dessus d'eux l'autorité de rien ni de personne, alors c'est là en toute beauté et toute jeunesse le début de la tyrannie.
Platon, La République
« La mer, compliquée du vent, est un composé de forces. Un navire est un composé de machines. Les forces sont des machines infinies, les machines des forces limitées. C’est entre ces deux organismes, l’un inépuisable, l’autre intelligent, que s’engage ce combat qu’on appelle la navigation. »
Victor Hugo
Maru
Le mot maru (丸, signifiant “cercle") est souvent attaché aux noms de navires japonais. Il y a plusieurs théories sur l’origine de ce nom.
• Théorie la plus commune : Les navires étaient considérés comme des châteaux flottants et maru fait donc référence aux cercles défensifs entourant le navire.
• Le suffixe maru est associé à une chose que l’on chérit. Les marins nippons étant comme tous les marins, ils aimaient leurs navires et appliquaient ce suffixe à leurs navires.
• Le terme maru se réfère à une divination qui représente une perfection on un accomplissement, comme si le navire était un monde en lui-même.
• La légende du Hakudo Maru, une créature célèste qui vint sur terre apprendre aux hommes à construire des bateaux. On dit que le mot maru aide à garantir une protection céleste pour les voyages.
• Au cours des siècles, seuls les bâtiments civils (ou non armés) portèrent ce suffixe. Il était (et est toujours) considéré comme un porte-bonheur permettant à un navire de quitter le port, de voyager autour du monde et de rentrer sain et sauf, accomplissant lui aussi un cercle complet.
De nos jours, les navires commerciaux (ferries, tanker, etc.…) comme la plupart des navires privés suivent toujours cette convention.
Le premier navire connu ayant porté ce suffixe est le Nippon Maru, navire amiral de la flotte du daimyo Toyotomi Hideyoshi au XVIeme siècle.
Les premières conventions.
Lorsque la Marine Impériale Japonaise fut formée, le ministère de la Marine soumit deux noms pour chaque navire à l’approbation de l’Empereur. Dans les premières années, les navires étaient souvent offerts par le Shogun ou par les différents clans. Dans ces cas précis, les navires gardaient le nom du clan donateur.
En 1891, la procédure changea encore suite aux évolutions du mode de gouvernement. Deux noms de navires étaient soumis par le ministre de la marine au chambellan qui les présentait à l’Empereur. Lequel pouvait alors soit prendre un des deux noms, soit en donner un de son cru.
Les navires capturés lors de la première guerre sino-japonaise gardèrent leurs noms chinois originaux mais avec une prononciation japonaise. Ainsi, le cuirassé Chen Yuan devint Chin’en lors de son service sous le pavillon japonais.
En 1867, le Ministre de la Marine obtint l’autorité de nommer les navires lance-torpilles sans l’agréement de l’Empereur. En 1902, il obtint cette autorité pour les destroyers.
En 1895, une proposition fut faite par le ministre de la Marine afin d’établir un certain standard. Il proposa que les cuirassés et croiseurs portent le nom de provinces ou de lieux saints dédiés à la protection du Japon. Il proposa également que les autres navires de guerre soient nommés d’après des provinces du Japon.
Les navires capturés pendant la guerre russo-japonaise furent renommés avec des noms japonais. Certains furent renommés en fonction de l’endroit où ils furent capturés, d’autres avec des aspects de cette guerre (qui, rappelons-le vit la 1ere défaite de l’histoire d’une nation occidentale contre une nation asiatique) ou encore le mois de leur capture. D’autres encore furent renommés à la sauce japonaise tout en restant proche de leur nom d’origine (par exemple, l’Angara devint l’Anegawa).
En 1921, le ministre obtint toute autorité pour nommer les navires à l’exception des cuirassés, croiseurs de bataille et croiseurs. Dans tous les cas, la marine devait en avertir le palais impérial dans les plus brefs délais.
Deuxième guerre mondiale
Pendant le second conflit mondial, un système complet et standardisé vit le jour. Les catégories principales sont décrites ici avec des exemples :
• Porte-avions — Oiseaux ou animaux mythiques volants.
o Hiryū (飛龍) Dragon volan
o Jun'yō (隼鷹) Faucon pèlerin
• Cuirassés (y compris ceux convertis en porte-avions) — provinces
o Nagato (長門) province du Nagato
o Yamato (大和) province du Yamato (mais également nom originel du Japon, symbolique extrèmement forte pour le plus grand cuirassé de tous les temps)
o Kaga (加賀) Province du Kaga
• Croiseurs de bataille et Croiseurs lourds (y compris ceux convertis en porte-aéronefs) — montagnes.
o Kongō (金剛) Montagne dans la préfecture d’Osaka
o Kirishima (霧島) Volcan dans la préfecture de Kagoshima
o Akagi (赤城) Volcan dans la région du Kantō.
• Croiseurs légers (y compris ceux convertis en croiseurs lourds) : Rivières
o Tone (利根) Rivière dans la région du Kantō.
o Chikuma (筑摩) Rivière dans la préfecture de Nagano.
o Suzuya (鈴谷) Rivière dans la préfecture de Karafuto (îles Sakhaline, territoire occupé par la Russie après la guerre et dont le Japon réclame toujours la restitution. C’est la raison pour laquelle aucun traité de paix n’a été signé entre ces deux pays depuis la fin de la guerre.)
• Croiseurs d’entraînement et navires-ecoles (post-1940) — Sanctuaires sacrés Shinto.
• Destroyers lourds et légers — Phénomènes météos
o Ikazuchi (雷) Tonerre
o Yukikaze (雪風) Vent neigeux.
• Destroyers légers — plantes, météo
• Vedette lance-torpilles — oiseaux
• Submersibles — pas de noms mais des numéros de série
• Ravitailleurs de sous-marins — baleines
• Navires d’escorte (post-1940) — Îles
• Destroyers Type A (post-1943) — mer, plantes
o Matsu (松) Pin
o Takanami (高波) Vague Haute
• Destroyers Type B (post-1943) — Lune, vents, nuages, saisons
o Akizuki (秋月) Lune d’Automne
o Yūgumo (夕雲) Nuage du Soir
Post-WWII
Jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale, les noms étaient écrits en kanji. Après la reddition et à la création des Forces d’Autodefense, cette tradition fut abandonnée et les noms furent écrits en hiragana (un autre type d’idéogrammes) afin de bien marquer la différence entre la Flotte Impériale Japonaise (IJN) et la JMSDF (Japan Maritime Self Defense Force).
Traduction des noms.
C’est une spécialité anglo-saxonne (américaine surtout). En France, on préfère garder intact le nom de chaque navire (solidarité avec un autre pays pratiquant l’exception culturelle ?) La traduction littérale des caractères japonais ne représente pas forcément la manière dont le nom est perçu par les japonais. Par exemple, Akagi est probablement aussi reconnu comme le “château rouge” que Paris est “la ville lumière” en France.
Il y a aussi une tendance à traduire les noms de façon quelque peu « exotique » et imaginaire. Le Shōkaku est ainsi souvent traduit par “Grue volant au Paradis mais « Grue Volante » est une traduction plus juste. Une autre traduction fantaisiste est « Terre des Mûriers Divins” pour le cuirassé Fusō — fuso était le nom chinois d’un arbre mythique supposé pousser à l’est. En fait un ancien et poétique nom du Japon.
Pendant la guerre, la composition exacte de la flotte de combat japonaise était un secret militaire. Les renseignements navals US créèrent une base de données grâce aux photos aériennes, à l’interrogatoire des prisonniers et à l’interception des signaux radios. Inévitablement, il y eut de nombreuses erreurs d’interprétation. Certaines nous sont parvenues. Par exemple, un prisonnier de guerre rapporta après la bataille de Midway la présence d’un porte-avions nommé le Hayataka. Il s’agissair d’une mauvaise lecture des caractères 隼鷹, qui, lus correctement identifient le Junyō. De cette manière, de nombreux documents US se réfèrent à ce porte-avions Hayataka ou à la classe Hayataka.
_________________
Lorsque les pères s'habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent plus compte de leur parole, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu'ils ne reconnaissent plus au-dessus d'eux l'autorité de rien ni de personne, alors c'est là en toute beauté et toute jeunesse le début de la tyrannie.
Platon, La République
« La mer, compliquée du vent, est un composé de forces. Un navire est un composé de machines. Les forces sont des machines infinies, les machines des forces limitées. C’est entre ces deux organismes, l’un inépuisable, l’autre intelligent, que s’engage ce combat qu’on appelle la navigation. »
Victor Hugo